Cette nuit.
Oh oui, c'est la nuit, notre nuit Blandine.
La lune est pleine, haute dans le ciel perforé de scintillantes étincelles, elle trône comme un joyau dans un écrin immense, comme une pupille irréelle, le témoin parfait. Elle est avec moi, avec nous, elle éclaire le chemin qui me mène à toi Blandine.
La ville est endormie, je la laisse sans regrets derrière moi, avec sa plèbe ronflant dans le marasme de sa banalité, dans la torpeur morne de sa vie linéaire, de ses amours sans aspérité.
Je sors de la route sur la droite et prends d'un pas décidé le chemin qui me mène à toi. Les platanes défilent, leur feuillage agonisant doucement bercé par une brise fraîche mais raisonnable pour la fin d'octobre. Les feuilles mortes se prennent pour des chauve-souris.
Blandine.
Cette nuit.
Je t'avais dit cette nuit et me voilà.
Je pousse la grille grinçante et m'avance sans bruit dans l'allée.
Alors que je franchis la petite porte arrondie ceinte de fleurs, ma tête s'emplit de cette chanson que tu m'as chantée le tout premier jour:
"Lead me across the oceans, across the seas
Bring me behind the mountains, to other countries
Take me far beyond the horizon line
Take me between your lookin' and your eyes
Lead me into your heart, into your soul
into your body, into the Truth
Let me touch lightly the essence of God"
Au prix d'un grand effort, je te libère enfin, et te voilà.
BLANDINE
J'ai tant rêvé ce moment. Nous sommes enfin réunis.
Ta couronne de fleurs est un peu ternie, mais tes cheveux noirs sont toujours aussi longs que des nuits sans toi.
Ta robe blanche à volants est celle que j'avais choisie, et je suis si heureux de te revoir la porter.
Mais Ô Blandine, je suis venu en amant, cette nuit, et tu le sais bien, et tu souris, tu découvres toutes tes dents, comme jamais.
Ô Blandine, cette invite me touche tant.
Tu sais que j'aime tout ton corps, je te veux nue, à présent. Me voilà nu moi-même, tu vois comme je bande pour toi, comme au premier jour, lorsque j'avais arraché ta robe d'impatience.
Permets-moi d'en faire autant cette fois encore, permets-moi de t'enlacer à présent.
Ô Blandine, la pâleur livide de ta peau à la lueur de la lune...
Mon désir est à son comble maintenant, ta nudité l'exacerbe. Quel bonheur de contempler à nouveau tes épaules fragiles, tes seins idéaux, ton ventre laiteux, ta touffe aussi noire que des ailes de corbeau.
Je l'embrasse et tu pars en arrière. Tu n'as jamais été aussi légère, ma langue s'insinue dans tes chairs trop froides et les réchauffe.
Ô Blandine
Ne crains plus le froid, je suis là désormais pour te réchauffer.
Je te pénètre enfin, et tu es encore plus étroite qu'au premier jour.
Je te baise si impatiemment, si fort, si violemment... Pardonne ma fougue, je te transperce tant que tu te cabres, te cambres en un angle improbable, oui, je vois bien que tu t'abandonnes entièrement, tu en redemandes, tu fonds, te désagrèges, te décomposes... Mais je ne peux plus arrêter, même si je vois bien que tu n'es plus entièrement toi-même, je continue à me perdre furieusement en toi, jusqu'au paroxysme, et déverse enfin en ton ventre meurtri le suc de vie, en hurlant!
Ôoooo Blandine! Je t'aime!
BLANDINE!
Je hurle ton nom, son écho emplit ta crypte et éveille en soubressauts tes derniers avatars ; ils se tortillent par centaines, se mêlent à mon liquide chaud et vagabond, ils s'agrippent à mon sexe toujours dressé, comme ton ultime acte d'amour, et de vie!
Blandine!