La valise

La Valise

- Dis maman, qu’est-ce qu’on peut mettre dans une valise ?

J’ai pas d’forces, Ninette. J’y mettrais rien dans la valise. Je suis venue les mains vides, je repartirai les mains vides. Une valise inutile au bout du bras. A quoi ça sert les fanfreluches, sinon à faire semblant.

Mes accessoires, je les porte sur ma peau, à même ce visage que refuse le miroir quand je tente d’y apercevoir quelque chose. Un indice. Un soupçon. Une pincée de piment de vie ou d’excrément de rejet de vie. En vain. Rien.

Une valise vide pour y vomir le temps de mon temps. Pour expulser les tragédies. Comme ça. Tout à trac quand les nausées viendront. Parce qu’elles viennent et bouffent le temps. Vomir ce temps. Vomir tout le temps. Tout le temps.

Une valise à silences.

Illogique et sans poignée pour la porter. Une valise à l’œil pour tromper les
cernes. A souligner de blanc la noirceur des nuits sans fond. Et l’autre qui ronfle dans sa colère jamais assouvie, vorace, tenace, dégueulasse. Une valise foulard à étrangler l’étranger. Lui donner son dernier orgasme en fond d’oreiller défoncé.

Silence. On tourne.

La page.



Romane

Excellent, mais tu sais quoi? J'enlèverais la question de l'enfant au début.

J'aurais aimé l'écrire.

Evidemment.

Assez d'accord avec Filo!

Il y a des textes, ou des poèmes, qu'on mâche longuement, et qui vous laisse un goût si complexe et si simplement tout, que longtemps après on se pose encore les questions qu'ils soulèvent.
Silence, je digère...

filo a écrit:

Excellent, mais tu sais quoi? J'enlèverais la question de l'enfant au début.

Non je peux pas l'enlever, la voix de l'enfant. Elle a une double justification :

- c'est le détail déclencheur de la pensée, ce truc qui traverse l'esprit et qui fait que tu plonges dans les idées les plus noires;

- le contraste entre la fraîcheur et la mocheté.

Bawi, je sais. Il est lour à bouffer, celui-là aussi. Le pire, c'est quand je le relis.
Clavier-mains-taper-envoyer-lire. ça fait bizarre, pouf, sorti comme ça.

pouf, sorti comme ça, comme d'une valise qui s'ouvre quand on s'y attend pas, là sur le trottoir, déballant en vrac les trucs...comme sur une brocante...tiens, je vais continuer à chiner.