13-10-07
Hier soir nous sommes donc partis après la tombée de la nuit pour Tulsi Ghat, à pied, ce qui nous a pris une demi-heure en longeant le Gange vers le sud.
Traverser tous les ghats un par un la nuit est une expédition à vivre au moins une fois à Bénarès. Sans lampe de poche, c'est l'assurance de se vautrer dans la boue, la bouse, la pisse de buffle, ou simplement de se blesser en ratant une marche ou un coin. Car si certains ghats sont éclairés et drainent du monde assez tard, d'autres sont plongés dans le noir total. Heureusement nous étions tous deux équipés.
Nous sommes arrivés suffisamment tôt pour réussir à bien nous placer, mais il a fallu se taper les interminables speechs et congratulations, animés par une femme au débit impressionnant, sûrement l'animatrice star locale.
La soirée semblait parrainée par Pandit K. Maharaj qui, d'après Nawal, est un vieillard opportuniste qui s'incruste toujours dans ce genre de manifestation grâce à une vague et éphémère gloire passée.
Puis place à la musique enfin, vers 20h, avec la première partie : un jeune prodige, Yaswant, de 13 ou 15 ans (c'était peu clair), qui nous a fait une démonstration époustouflante de tabla, avec ses commentaires sur sa façon de traiter chaque
tala (rythme), avec parfois même l'énoncé des
bauls avant (bauls = onomatopées décrivant les frappes des tabla : chaque frappe de chaque doigt a une onomatopée, ce qui fait qu'on peut énoncer exactement un rythme donné), avant de reproduire exactement la même chose avec son instrument. Il était accompagné d'un joueur de
sarangi aux moustaches digne d'un Maharajah.
Je l'ai filmé, la caméra "à l'épaule" (en fait à la main, c'est un camescope, hein) et zoom à fond, ce qui explique les mouvements.
L'extrait dure peu de temps car je réservais la bande et la batterie de la caméra pour la suite. Pourtant ce qu'il a fait de mieux fut évidemment lorsque j'ai arrêté la prise de vue...
Ensuite le grand Hari Prasad Chaurasia en personne est arrivé, plein d'humour, il a sorti plusieurs vannes que nous n'avons pas comprises car en hindi, et une fois que tous ses musiciens furent accordés et prêts, il a attaqué.
Il était accompagné par le tabliste Rachid Ahmed Mustapha, pas mal mais j'ai préféré le petit jeune juste avant. Sinon son deuxième flûtiste qui soutient ses notes principales et ses motifs de base était là, fidèle, comme à chacune de ses représentations depuis longtemps. Certains disent que c'est son fils ; moi je pense que c'est un de ses meilleurs élèves. Un homme grand et maigre assurait le tampura derrière, bourdon nécessaire pour maintenir la note "Sa", c'est à dire la tonalité de base (en l'occurrence toujours un Mi avec chaurasia).
Au moment où il a commencé, j'ai été dérangé de ma place, et le film commence hélas sur des mouvements que j'ai supprimés au montage, mais il ne manque que quelques secondes.
Je n'ai pu filmer que son premier raga,
ChandraKauns, qu'il interprète au début du CD "Remember Shakti" avec John McLaughlin et Zakir Hussain.
Un long
alap (introduction présentant chaque note du mode, en combinaisons improvisées) perlé de belles subtilités, suivi d'un
gat (corps du raga, où commence l'accompagnement des percussions sur le mode) en
jhaptal (rythme en dix temps), pour un total de 45 minutes. Pas mal pour un premier morceau. Ensuite il a demandé à l'assistance de lui proposer le raga qu'il interprèterait ensuite. Quelques propositions ont fusé, et j'ai même crié "Purya Dhanashree" qui est le nom de mon raga favori, mais il a opté finalement pour une pièce que je n'ai pas reconnue. Et il a encore joué pendant une heure.
A chaque fin de morceau, de nombreuses personnes quittaient les lieux, surtout des occidentaux et des femmes. Les connaisseurs eux ne risquaient pas de partir. En prenant à la fin du concert une toute petite flûte, pour jouer un
dhun (pièce musicale courte de forme beaucoup plus simple et populaire, inspirée tout de même d'un raga). La gamme de ce dernier raga est étrange, je ne l'avais jamais entendue auparavant, et soutenue en plus par un mode inattendu. Je crois que je ne saurai jamais de quoi il s'agissait.
A la fin de sa prestation, le maître a bien voulu répondre à quelques questions du public.
Il fit encore preuve d'humour, mais tout se passait en hindi et je ne pouvais qu'intercepter quelques mots épars, ne pouvant donc déchiffrer aucune longue phrase.
Nous sommes rentrés, retour le long des ghats by night again.
Sur Gaudolia Road, la fête de Durga se prépareUne jeune lingère repasse à l'ancienne (à l'ancienne pour nous) Aujourd'hui nous nous sommes promenés, avons joué aux touristes, avons pris quelques photos et sommes allés à la "German Bakery", un magasin-restaurant associatif proposant, miracle, du vrai pain, du vrai fromage, des croissants, des gâteaux (j'ai goûté un excellent crumble aux pommes), le tout fait en Inde sur l'initiative du fondateur de l'association qui est allemand.
Nous avons même remarqué qu'un des fromages est fabriqué à Auroville (village-ashram élitiste fondé par Shri Aurobindo et sa femme française dans les années 70, près de Pondichéry), et se nomme l'"Auroblochon" !
Excellent, non ?
(à suivre)