L'envolée

Je laisse ce vent d'automne égoutter son vaste renoncement,
dans l'erreur d'une liberté si solide que viennent à s'y briser les socs d'espérance

Debout, encore debout,
j'accepte de balbutier sur la longue traîne de mes dénuements futurs
puisqu'ayant perdu la lumière, je persiste dans l'ombre

J'emmure les voyages en brassées
souvenirs secondes scellés

Te souviens-tu

la prairie en friselis essoufflés
rebrodant au point du jour l'émail coquelicot sur ses amantes fleurs

Louant l'abscisse déviée à nos désordres candides
j'entends toujours cette rivière tempérée d'absinthe
hommageant d'un rire ondenoyé l'ivresse à ne faire qu'un

J'esquisse dans ce creux intime
l'illusion immuable soudoyant espace et temps

puis

démembrant les soupirs étirés sur la courbe de tes cils

j'envole mes regrets

Une grande force!
Comme une déesse qui se désolerait d'être finalement indestructible...
Le "te souviens-tu" sans ponctuation est puissant comme une tragédie.
Et puis l'envolée à la fin, tel un éveil.

Délicat, ciselé, hyper-sensible, jusque dans la sémantique...
Tu t'es même permis un néologisme assez intéressant.
Compliments !

J'ai adoré me perdre dans tes mots, fouiller les recoins des images, et m'envoler enfin avec tous ces regrets... J'aime beaucoup la courbe des cils, je trouve que ça résonne dans le poème d'une façon très charmante...

C'est d'une grande force et trés doux, une résignation, mais la vie continue.
Mention spéciale pour:
"dans l'erreur d'une liberté si solide que viennent à s'y briser les socs d'espérance".

J’adore te lire – une source inépuisable de mots qui enrichissent le vocabulaire.
Un grand plus pour la construction du poème, la coupure : Te souviens tu
Ceci nous fait prendre un envol pour l’autre face. Sans regrets !
Mes compliments Sol

J'aime beaucoup ! Je n'aurais pas écrit son contenu de la même manière et c'est bien regrettable...enfin...il est d'une grande beauté à mes yeux !

Très intéressant.
Si les deux premiers vers m'ont paru "trop" : trop architecturé, trop long, trop riche de vocabulaire ( ce qui les tirait plus vers une sorte de prose poétique ), je suis particulièrement sensible à celui-ci :
"puisqu'ayant perdu la lumière, je persiste dans l'ombre"

Si les vers se sont allongé par rapport à d'anciens textes, on retrouve toujours, et parfois sous une forme plus poussé, le travail sur les sons ("souvenirs secondes scellés" ), ainsi que la présence du mouvement, de la courbe dans le champ lexical mais aussi dans le rythme.

Autre détail, j'ai apprécié également ( oui, je suis obsessionnelle ! ) l'utilisation des mots "abscisses" et "espace / temps" qui contribuent à donner aux images une représentation très ( arg, comment dire ... ) "en relief", prise dans un repère universel.
Diantre que je suis incompréhensible...

Sur le plan de l'émotion, si le choc avec les 2 premiers vers m'avait un peu désarçonnée, je reste très touchée par ce que plusieurs lectures ont pu dégager, une sorte de mélancolie érigée en force vive, en soutien pour l'actuel. Des souvenirs pour étayer un colosse ?