Il y a très longtemps, lorsque ma soeur était une jeune étudiante (je dis "jeune" parce qu'elle a eu le bac avec mention bien à 16 ans, et donc s'est retrouvée en fac d'Histoire à 17 ans), elle a eu la chance de bénéficier de l'enseignement d'un professeur d'Histoire médiévale extraordinaire.
Un homme haut en couleur, érudit, bon vivant, truculent comme un personnage du Moyen-Age, amoureux de la bonne chère, du Bourgogne et des femmes (ça va souvent ensemble).
Il rassemblait autour de lui un cercle d'étudiants subjugués, et j'ai eu la chance d'être invitée chez lui pour un week-end avec les autres.
Il habitait un immense moulin dans la plaine de Beauce, tout entouré de champs de blé. La maison était pleine de coins et de recoins, et ce qui m'avait marquée, c'était les milliers de livres qui s'empilaient chez lui au petit bonheur la chance, au point de former des murs le long des murs, de rétrécir les couloirs, il fallait même déblayer les livres et les poser où on pouvait si on voulait juste s'asseoir sur une chaise.
Nous avons fait des repas somptueux, avec je me souviens des brochets frais pêchés dans une sauce divine, du vin à tomber par terre, et des conversations savantes ponctuées de ses éclats de rire homériques.
Cet homme, hélas, a été atteint de la maladie d'Alzheimer. Perdre la mémoire pour un historien, ce doit être étrange. Il est mort il y a un bout de temps, mais je sais que ses étudiants se souviennent de lui, et moi de même.
Voilà pourquoi je suis touchée que sa mémoire se perpétue.
Je donnerai ce poème à ma soeur, elle était elle même très étonnée et touchée de ce texte quand je lui en ai parlé.