Voici quelques poèmes que l'on trouve difficilement sur Versailles. Ils ont été écrits fin XIXème - début du XXème siècle.
Perles RougesI
Mes vers ont reflété votre miroir, ô vasques
Dont l'orbe s'arrondit tel qu'un clair bouclier ;
Vos Glaces, Galerie, où rien n'ose oublier,
Et dont le coeur est plein de plumes et de casques.
Tous les paniers géants, les justaucorps à basques
Dans ce double cristal vont se multiplier ;
Et des perles en pleurs, des larmes en collier
Roulent au bord des yeux, lorsque tombent les masques.
En vain le Temps est rude, et Ciel est changeant ;
Le grand Louis, qui fut notre Grand Alexandre,
Dans le soleil couchant, tous les soirs, vient descendre...
Et rougir et pâlir, en l'or, et sur l'argent
Que ces rangs, alternés de pourpre et de grisailles,
Font, tour à tour, neiger, et saigner sur VERSAILLES.
II
Tant de soleils sont mort dans ces bassins augustes,
Qu'on dirait des coffrets d'étoffes et d'atours :
Robes couleur des nuits, rubans couleur des jours
Que vécurent des dieux dont s'effritent les bustes.
Leur gloire immesurée et leurs grâces injustes
Ne sont plus de l'herbe au dallage des cours ;
Un texte inattendu commente leurs discours :
La mousse en leurs coeurs froids et sur leurs lèvres frustes.
Les rois n'ont plus de sceptre entre leurs doigts brisés ;
Vénus n'a plus de rose entre ses doigts rosés ;
Cupido n'a plus d'aile ; Apollo, plus de lyre...
Et la glace des eaux les aide à se flétrir ;
A l'heure de s'éteindre heureux de se sourire,
Heureux de se mirer à l'heure de mourir !
Ces poèmes sont extraits d'un recueil écrit par Robert de Montesquiou, "
Perles Rouges" et publiés en 1899.
Dandy, poète, décrié de son vivant, il a suscité de nombreuses admirations dont celle de Marcel Proust.
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Les feuillesTa robe lente, soulève et traîne
Un bruit de feuilles d'or et de roses fanées,
Et dans le crépuscule où finit la journée
L'automne est las d'avoir entendu les fontaines.
Si tu passes le long des eaux vastes et vaines,
La statue anxieuse et la tête inclinée
Ecoutant dans l'écho le pas de l'autre Année,
Ne te reconnaît plus et te regarde à peine.
La Vestale au ciel gris lève ses yeux de marbre,
L'Hermès silencieux dérobe d'arbre en arbre
Son socle nu de terme et son masque de faune,
Et, dans le miroir clair que tu tiens à la main,
Tu portes, reflétés, le parc morose et jaune
Avec ses dieux, ses eaux et ses verts boulingrins.
TrianonUn souvenir royal, mélancolique et tendre,
Erre dans le plais et rôde par l'allée,
Destin à qui la Mort tragique s'est mêlée,
poudre et fard devenus du sang et de la cendre.
Dans le jardin désert j'entends la hache fendre
Le saule où roucoula la colombe envolée ;
Les roses ont fleuri l'ombre du mausolée,
Et le ruisseau s'attarde et le banc semble attendre.
Un souvenir s'accoude au dossier des fauteuils ;
Un pas résonne encor sur le marbre des seuls ;
Un fantôme au miroir vient sourire et s'efface.
Le bassin se tarit, et les feuilles au fond
Dessinent, sous l'eau noire où leur or s'entrelace,
La couronne d'un chiffre et la lettre d'un nom.
Les poèmes,
les feuilles et
Trianon ont été écrits par Henri de Régnier, extraits de son recueil, La cité des eaux (1902).
Je pourrais citer aussi Anna de Noailles, Marcel Proust, Albert Samain et tous ont comme point commun d'écrire sur la déchéance de Versailles comparé souvent à Venise et laissé à l'abandon. L'automne, les feuilles, les bassins vides, la rouille sont des thèmes récurrents. Alors que les artistes de Louis XIV et ce dernier se sont appliqués à montrer l'automne sous le signe de la prospérité, de l'abondance et sous les traits de Bacchus Dieu du Vin, ces poètes s'en sont servis pour décrire un monde qui s'écroule par dessus lequel un autre se reconstruit.
Je mets en lien plusieurs sites sur Versailles :
http://720plan.ovh.net/~jardinsd/http://patrick.urbain.free.fr/http://www.arobin.com/pds/http://www.broguiere.com/versailles/http://www.sculpturesversailles.fr/html/5/index/index.htmEt Voici un livre que je me suis achetée et dont la lecture m'a beaucoup plu.
"
Versailles dans la littérature", Véronique Léonard Roques, éditeur Presses Universitaires Blaise Pascal, 2005