Les mariés. (Une histoire vraie.)

Elle avait un fils de 5 ans. Parce que sa relation avec le père avait mal tournée, elle partageait un appartement avec une amie. Ces deux-là aimaient encore les jeux d’enfants et l’aventure.

Un jour, elles aperçurent de l’autre côté de la rue un jeune homme brun à l’air un peu sombre et comme l’époque était un peu grise, il fut décidé d’emblée, comme ça, par jeu, de lui apporter le sourire.

C'est ainsi qu'elles se jetèrent, elles qui étaient déjà des femmes, à corps perdu dans un jeu de pistes imaginaires.
Lettres d’amour, appels furtifs au bout de la nuit, chorégraphies baroques à la fenêtre de la chambre de l’appartement devenu théâtre improvisé.

Un jour, la brune qui était comédienne, revêtit ses plus beaux atours de femme rêvant *.
Habillée de tulle bleu, elle se présenta à lui en plein jour, devant son immeuble avec à la main un dessin d’enfant.

Quand il l'aperçut dans l'encadrement de la porte ; il en eut le souffle coupé tant elle était belle, irréelle. L’étudiant qu’il était encore, prit le dessin et s’enfuit par l’escalier tel un enfant apeuré.
Quelques temps après, elle reçut une lettre formidable, d’amour. Puis ce fut le premier rendez-vous et le début d’une histoire.
Elle partit habiter, avec son fils, de l’autre côté de la rue.

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Quand il apprit qu’elle attendait des jumeaux, le jeune étudiant eut peur, d'abord. Mais finalement...
Et puis les jours passèrent et la femme par la force du temps qui use, la femme qui s’était éveillée dans son rêve de tulle bleu, à nouveau s’endormit.

A cause de l’enfant qui ne pouvait laisser sa place.

C'est ainsi qu'ils vécurent pendant de nombreuses années, s’observant de loin en loin, dans la grande plaine des jours mornes. Elle riait, fort, toujours loin de lui dans l’espace étouffant d’un trois pièces.
Lui jouait, ailleurs, et le fils devenait un homme.
Il y eut combat.
Elle, ne voulait pas choisir et lui n’en pouvait plus, de ne pas se sentir aimé.
Puis vint cette autre femme dont le regard ouvre les yeux brûlés de celle…
Quand elle comprit enfin, elle tomba là, à ses genoux.

L'an dernier ils se sont mariés, dans un grand pré*.
Il paraît qu’il a pleuré.

( * = merci! )


*Personnage d’une pièce « La comédie du langage »de Jean Tardieu.

Je ne sais pas quoi dire... tes textes présentent à la fois une vision pleine d'acuité et de finesse sur la psychologie humaine, une sorte de vision douce-amère de la vie en général, teintée pourtant d'espoir, et cette étrangeté, toujours, cette originalité qui me confond toujours.
Sinon, "dans grand un pré' = "dans un grand pré" ?

Merci.

Décidément Margo, tes histoires vraies me ravissent

Tu devrais songer à les rassembler... Je me prends à imaginer un livre... "Les gens de Margo"...

Je suis d'accord avec Farouche. Un livre compilant plusieurs histoires de la sorte, avec ton style propre, ferait un bel ouvrage.