Droites assegmentées

L'or dissolu complote sous des masque friables
lorsque la vie déclame son faste de labyrinthe

on scelle les étapes à l'aune du désir
et l'on trace les lignes au cordeau de ses peines

sous le chemin poudré
un grain de sable cosmique
en costume d'Arlequin libertaire
a fait boiter l'ordre solaire

que dissimulent* ces bosquets asservis sous une sage fontaine
sinon le serpent alangui dans le fruit ?

chaussés de soie ou bottés d'arrogance
les suaires enrubannés déclinent leur rondes impavides
sous l'opprobre des dieux jaloux
despotes claquemurés au mitan d'ondes esclavagines

sur ces visages de pierre à l'énigme périmée
dans l'ordonnancement de mille serments déviés

les droites assegmentées ne se croisent
qu'au confluent de nos regrets





Ce poème pour Vestale, avec plein de bises complices... après notre journée à Versailles, nous devions écrire chacune un texte sur ce que nous inspirait cet endroit. Voilà le "résultat" pour ma part (ciel, j'avoue que c'est bizarre...)
(merci à Farouche et à tous les forts en thème)

Un mélange entre la visite à Versailles et des réflexions d'ordre plus philosophique... j'avoue que je ne m'attendais pas à un tel texte sur le sujet.
Un vocabulaire d'orfèvre, une déambulation sémantique dans les eaux de grisailles, toujours avec tes nuages de mélancolie s'y reflétant.
J'aime ce texte, mais j'avoue ne pas adhérer aux deux néologismes : assegmentées et esclavagines !

Des images à foison comme souvent et cependant beaucoup d'amertume dans ce poème. Une vision assez froide finalement de "l'humain" au delà du clinquant de ses parures.
Un texte d'une grande richesse!

merci Constance

Je trouve une réflexion et un parallélisme intéressants entre l'humain et la statuaire, le symbolisme des pierres (orgueil et désir royaux, devrais-je dire divins) et des ors non pas tel que l'a souhaité Louis XIV, mais sous ton oeil mélancolique.

"sur ces visages de pierre à l'énigme périmée"

j'aime beaucoup

Je suis moins sensible au titre un peu froid, à l'image même de ces pierres.

Sans savoir qu'il s'agissait de Versailles, j'ai lu ton texte comme une déambulation dans un jardin à la française...
Un regard désabusé sur ce faste périmé, croisement de ton ressenti et d' un décor qui n'est plus qu'une coquille vide.
Coup de coeur pour la troisième strophe.

coquille vide et faste périmé, je ne suis pas d'accord. Depuis quelques années, 2004, des entreprises de restauration sont menées, je pense au bosquet des trois fontaines, la replantation d'arbres suite à la tempête de 99, le bosquet de l'Encelade, une vraie réussite et j'en passe

Voici un lien qui note les divers travaux effectués.
http://720plan.ovh.net/~jardinsd/Accueil/pages/Histcad.htm

Je trouve que de sacrés efforts ont été entrepris et je suis contente de cette effervescence autour de Versailles qui va perdurer. On ne retrouvera jamais l'état de ces jardins sous Louis XIV, c'est sûr et une tendance parfois à la "dyneslandisation" et "merchandising" mais de nombreux mécènes s'intéressent à Versailles et à son parc.

Pour le Versailles périmé, je pense plus au début du siècle dernier, fort bien illustré en poèmes par Robert de Montesquiou (perles rouges) ou Henri de Régnier (La cité des eaux). vesrailles dans ses feuilles mortes livré à lui-même parmi les ruines.

Voilà ce qui ouvre les portes de ce poème et qui conclut…
impressionnante richesse du vocabulaire noyé dans l’image assombrie et
« nuageuse ».

Compliments Solweig

Citation :

que dissimule ces bosquets

que dissimulent ces bosquets

Merci Farouche, j'ai beaucoup hésité sur l'accord, mais mon correcteur d'ortographe s'obstine à me donner la forme au singulier comme correcte
Les forts en ortographe pourraient nous aider, moi j'hésite encore ?

vi, parce que (version française oblige), ton correcteur (gros béta d'automate qu'il est) n'accepte pas le sujet aprés le verbe; mais il s'agit bien des bosquets qui dissimulent.
et l'allitération est belle, qui fait songer au fameux "... pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes", entendu dans ce parc, jadis.....
merci, Constance!
Mick

Je confirme pour le pluriel.

Confirmé le pluriel, le verbe s'accordant toujours avec son sujet, même si celui ci est placé aprés, ce qu'effectivement les automates (bien pratiques quand même pour les étourdis de la touche) ne reconnaissent pas.

Pour la "coquille vide" Vestale, je persiste et signe, dans le sens ou je vois en Versailles la façade brillante (et ruineuse) du "Grand Siecle", une période trés "bling/ bling", toute en façade, la "France Profonde " de l'époque crevait souvent la faim. Entre guerres et dépenses somptuaires...
Mais si je n'aime pas le château, j'adore le parc où j'ai fait d'interminables ballades à vélo quand j'habitais St Cyr...

Hé bien, un simple texte qui déclenche tellement de discussions, ça fait plaisir...
J'ai été ravie de cette journée à Versailles, et cela parce que j'étais accompagnée de passionnés, qui m'ont fait partager leur vision des choses. Toujours instructif et très intéressant.
Concernant le château en lui-même, j'étais contente de voir la galerie des glaces restaurée, mais j'ai vite éprouvé une sensation d'étouffement : trop grand, trop riche, trop doré, pas du tout à l'échelle humaine en fait, le palais m'oppresse. J'en suis sortie avec soulagement.
Les jardins, j'aime, d'abord parce que j'adore tous les jardins, et parce que la statuaire est tout de même magnifique (sans compter la musique qui nous parvenait, comme dans un rêve). Mais j'avoue préférer mille fois les jardins à l'anglaise, échevelés et romantiques. Ou une prairie sauvage. Ou la nature tout court, pour les endroits où cela existe encore. Ne serait-ce que les petits sentiers tout ensauvagés, avec des ronces, des fleurs revenues à l'état naturel, et au bout la surprise d'une petite cascade.
En fait, les jardins à la française sont une sorte de tour de force admirable, mais la ligne droite m'angoisse, je l'avoue. C'est ce qui m'a donné l'idée de ce poème, et son titre. La droite est ce qu'il y a de plus contraire à la nature, à mon sens.

100% d'accord pour les jardins, ceux à "la française" sont bien trop artificiels à mon goût, même si c'est un travail remarquable, notament avec le jeu des perspectives comme à Vaux le Vicomte.
Et rien n'est "droit" dans la nature:
"La droite est une portion de cercle à rayon infini", qui as dit ça? Je ne sais plus, mais il n'est que de regarder les droites se rejoindre et l'horizon courbe pour s'en convaincre...

oups mon message a été effacé, je le refais. Donc, je disais Morgane que lorsque tu parlais de faste périmé, je pensais que tu exprimais l'idée que Versailles était livré à lui-même, abandonné. Sauf que depuis 2004, des restaurations trés importantes ont vu le jour grâce au mécénat d'entreprise et d'américains fortunés.

Après, il faut savoir que Versailles émane d'une volonté, celle d'un roi épris de gloire et de pouvoir, qui a fait un jardin (il en a conçu les plans) qui lui ressemble, des miroirs d'eau à l'infini pour réfléter son prestige. Hélàs, tout comme des cathédrales, tout comme d'autres châteaux, Versailles s'est construit au détriment de vies. Ce faste a coûté trés cher, mais les guerres encore plus sans parler des dépenses occasionnées par les favorites, des comportements dépensiers et mondains qui se retrouvent toujours aujourd'hui à une échelle différente. Il ne suffit plus d'avoir quelques gouttes de sang noble pour faire n'importe quoi avec l'argent, alors que tant de personnes ont du mal à vivre.

J'aime comme vous les jardins, justement comme le souligne Constance, ces allées rectilignes et ces bosquets un peu fous, cette beauté baroque saisissante réalisée par des artistes de grand talents, je pense à Lenôtre. Des mélanges réussis qui font plaisir à voir, des bosquets magnifiques (Encelade, la salle de Bal), des fontaines d'où jaillit la musique. Je suis moins fan du château, je préfère les Trianon.
Par contre, Constance, tu as dû aimer les jardins de Trianon, je pense

c'est très beau, et Versailles est tellement magique...J'y ai passé beaucoup de temps, tu le décris si bien. Je ne sais pas si j'arriverais à faire aussi bien ! bravo.

Je trouve à ce poème un excellent rythme qui ne fait que mettre en valeur son contenu, son contenu dont j'aurais du mal à choisir mes tranches préférées étant donné qu'elles sont (selon moi, ça vaut ce que ça vaut...) presque toutes de grande qualité. J'aime le vocabulaire riche.