C'est l'été

L’été au ciel laiteux s’alourdit de chaleur


Et le village est plomb, lové dans sa torpeur,


Seuls les oiseaux sont vifs, cherchant leur nourriture,


Ils piaillent, crissent, croassent sans rupture


Et les insectes fous zigzaguent vrombissants.





La rêverie s’installe





Le tilleul s’évapore en parfums délicieux,


Le souvenir surgit d’autres décors très vieux


Quand les chevaux tiraient leurs charrettes sonnantes


Et bleues de paille d’or sur les pavés du Nord,


Et la batteuse au loin s’essoufflait ahanante…





Les souvenirs affluent





Plus tard je vois la dune où le sable collant


Transformait nos dos nus en toiles d’émeri


Nos cent roulés-boulés nous donnaient le tournis


Et nous courions joyeux jusqu’à l’eau, titubant,


Nous jeter dans la vague aux éclats écumants.





Les émotions s’emballent





Dans les champs de Van Gogh les faucheurs font la sieste


A l’ombre de la meule où le soleil s’appuie,


Le cal aux mains, le dos, le muscle endoloris


J’ai partagé leur peine en des plaines agrestes


Gerbant le foin en botte aux granges rebondies,





Le front en sue encore,





Dans les blés presque mûrs et près de ce bouquet


D’ormes au port dressé, nous avons fait le mur


Aux convenances et nous nous sommes aimé,


Le vent dans les épis nous fut un doux murmure,


Les coquelicots noirs, l’annonce de la nuit…





Toujours mon cœur saigne,





L’été au ciel d’étain voit monter son orage


Et le village tremble aux frissons des risées,


Les oiseaux se sont tu, un grondement épais


Presse le paysan de rentrer ses fourrages,


Va le bonheur qui passe et le temps se défait,





Il est temps de rentrer.

Je trouve ton poème très doux, par la facilité dont s'enchaînent les syllabes notamment. J'aime que la saison évoque avant toute autre chose des souvenirs. Et j'aime tout particulièrement "Et le village est plomb", "A l’ombre de la meule où le soleil s’appuie, et "Les coquelicots noirs, l’annonce de la nuit…".

Ton été a un parfum d'enfance, de vacances et de labeur champêtre. Délicieux à respirer comme le parfum des tilleuls...
Je me permet d'ajouter une autre charretée à ces souvenirs: celle des goémoniers et de leur tombereau tirés par les grands traits bretons, un spectacle que je n'aurais pas manqué.

Toujours cette nostalgie délicieuse!

Ha ! Nostalgie quand tu nous tiens...Et de refaire ce voyage dans le temps avec toutes ces images que j'ai connu puisque nous sommes issus de la même terre...Finalement , je me dis que rien n'est plus beau qu'un champ de lin en fleur et pourtant ça devient si rare. Nos été n'ont plus ce goût d'autrefois...Merci l'ami pour ce délice que tu nous offres. Compliments très vifs. LOUP.

Me voilà toute nostalgique de ces étés, des champs au bercement hypnotique qui frissonnent lentement sous le vent, les cavalcades jusqu'à la mer...
J'adore cette strophe :
"Dans les blés presque mûrs et près de ce bouquet
D’ormes au port dressé, nous avons fait le mur
Aux convenances et nous nous sommes aimé,
Le vent dans les épis nous fut un doux murmure,
Les coquelicots noirs, l’annonce de la nuit…"
Moins :
"Et le village est plomb, lové dans sa torpeur,
Seuls les oiseaux sont vifs, cherchant leur nourriture,"
non pas pour l'image, qui est très belle, mais pour la répétition du verbe être qui me chiffonne un peu, et la sonorité. Je crois que j'aurais écrit : "le village est de plomb, lové...", mais là, ça fait une répétition du "de"...
Pfff, j'arrête de me prendre la tête.
J'aime, tout simplement...