Les Preneurs

Les Preneurs

Les Preneurs
Sont venus.
Mangeurs de terre
A bouffer la vie.

Sans demander.
Ils ne savent pas demander.
C’est trop grand pour eux.
Ils sont si petits
Ces Dieux.

Ces Dieux barbus
Ces Dieux sales
Puants
Malades.
Ces dieux violeurs de nos femmes
Sont moins que des Pawnee.
Les Pawnee savent chevaucher.

Les Preneurs
Sont restés.
Tueurs d’eau.
Incendiaires des prairies.

Au dernier bison
Funérailles.
A la dernière rivière pure
Funérailles.
Mépris.
Colère.
Chagrin.
Désespoir.
Aux Esprits du vent et des arbres
Pardon.
Il n’y a pas assez de Pardon
Dans ce ciel noir de leurs fumées empoisonnées.

Un tomahawk.
Pour un scalp
De Blanc.
Alors peut-être après
Le Pardon.

Taku ke c'eyas slolyaya ho, ca hehanyela epin kte.*


En hommage à mes amis Lakota et Dakota (Sioux si vous préférez)

*Vous savez tout, je n'en dirai pas plus.

Touchée.

Ca me rappelle ce film avec Johnny Depp, "Dead Man".

http://fr.youtube.com/watch?v=n6aCMgy0ES4&feature=related

" Je tiens à ce tous sachent que je n'ai pas l'intention de vendre une seule parcelle de nos terres..."
Tatangka Yokanta (Sitting Bull)

" les vastes plaines ouvertes, les belles collines et les eaux qui serpentent en méandres compliqués ne sont pas "sauvages" à nos yeux.
Seul l'homme blanc trouvait la nature sauvage et pour lui la terre était "infestée" d'animaux "sauvages" et de peuplades "sauvages"...
Chef Luther Standing Bear, Oglala

Et les "preneurs" vinrent et la terre fut volée et les "sauvages" périrent sous les coups de la "civilisation".
Bel hommage, Farouche.

Le titre de ton texte, et le sujet aussi, me rappellent les livres de Daniel Quinn : "Ishmael" et "Professeur cherche élève ayant désir de sauver le monde". Plus particulièrement la différence entre les cueilleurs-chasseurs et "ceux-qui-prennent" , fondateurs des sociétés dites modernes. Des ouvrages d'une profondeur et d'une justesse qui dérangent et conduisent à une réflexion sur nos sociétés et nous mêmes. Je ne peux que vous les recommander chaudement (en remerciant celui qui me les a fait découvrir). Je précise que vous ne pourrez les trouver que d'occasion. Visiblement, ces textes sont trop subversifs pour être réédités.
Je suis très sensible à ton texte, Farouche, et je te remercie pour cette pensée et cette lecture pleine de force.
Avec mon premier argent de poche (j'avais 15 ans), je me suis achetée un grand livre illustré sur les Arts Martiaux. Je l'ai toujours. La deuxième fois, j'ai commandé la série complète des Winnetou de Karl May. Et j'ai noté avec application sur un petit carnet tous les mots et les phrases en langue indienne que comportait le bouquin, et il y en avait beaucoup (à l'époque, je savais donc dire plein de choses en apache et divers langages indiens). Ca m'a toujours fascinée.
Je n'ai appris que bien plus tard que les "Winnetou" avaient été le livre préféré d'Hitler quand il était gamin.

J'ai pour ma part entrepris (pas assez assidument je l'avoue) l'apprentissage du Lakota. Je trouve cette langue aussi magnifique que le peuple qui la parle.

Que serait-il donc arrivé si Hitler n'avait pas été refusé aux Beaux-Arts....

Eh bien je rend hommage à votre culture sur le sujet, car moi j'en suis restée à "Danse avec les loups" (mais chouette film quand même, non ?)...

J'en connais un poil plus sur l'afrique orientale.

Cela dit Farouche, ton poème s'apprécie même si l'on ne maitrise pas le sujet. Ce texte est vraiment très prenant (si j'ose dire). Merci à toi.

Oui, un très chouette film (j'ai dû le voir au moins 7 fois). Je déplore juste une chose : les Sioux du film parlent un sabir très bizarre. Or, il reste suffisamment de Lakota (les indiens acteurs du film n'en sont pas, des Navajo pour la plupart), ils auraient pu faire l'effort de trouver bon un interprète ! Imagine un film avec des séquences en espagnol ou en russe où les acteurs s'exprimeraient en "petit-nègre", il y aurait eu un tollé ! Si des Lakota ont vu "danse avec les loups", ils ont dû se dire que décidément on fait peu de cas de leur culture, même dans un film qui leur est dédié...

Merci pour vos com

J'ai lu "prédateurs" au lieu de "preneurs", et compris que l'erreur n'en était pas une...
J'ai beaucoup aimé la force qui se dégage de ce texte; il n'est qu'une illustration, à y regarder de plus loin, de notre longue histoire de conquêtes, et de ces lois qui ne sont que l'institutionalisation de la force: j'arrive, je me sers et je proclame que ce qui est "mien" est inviolable.... domination des nomades forts sur d'autres plus faibles puis des sédentaires sur les nomades, toujours...
Et la réponse du "sage" à cette violence là est à trouver, au delà de la prise de conscience passive: quels pas nous restent à faire pour un vrai partage des richesses de cette terre, pour offrir à chacun une vie digne et pleine?
merci, Farouche!
Mick

Bravo pour cette plongée ethno-poétique !
Je suis fasciné par les langues rares, le lakota doit être intéressant. Tu pourrais nous en dire plus sur un fil dédié ?


Citation d'un extrait du Monde de Juyen :

filo a écrit:

Juyen sait qu'il est le plus rapide coureur dans le
Monde, mais les Autres sont d'un autre monde, ils sont à moitié des
machines eux-mêmes, et Juyen ne connaît pas leur force ; juste qu'ils
sont méchants.
Ce sont des preneurs. Ils peuvent prendre tout ce qu'ils veulent, sans aucun respect.

Mais
en général, les méchants sont forts, parce que sinon ils pourraient pas
se permettre d'être méchants, ils auraient mal tout de suite. Oui la
méchanceté ça fait mal.

Sinon, la chanson des preneurs, c'est ici :
The Takers

J'espère vraiment que la méchanceté fait mal. J'espère vraiment parce que mon vécu prouve plutôt le contraire...

Oui, j'aimerais moi aussi en savoir plus sur cette langue...

J'ignorais que la langue indienne du film avait été si peu respectée, ça ne cadre pas avec la manière de faire du réalisateur et c'est vraiment regrettable. Parce qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'au moment de tourner les scènes dans cette langue, tout le monde se soit dit "bof, pas la peine de se casser la tête, personne n'y verra que du feu !"
C'est toujours dur de voir une culture ainsi piétinée, plus encore pour moi la culture indienne en générale qui véhicule des idées, telles le respect, la communication, l'observation, la valeur des choses ou la beauté contenue en toute chose...
Merci encore à Farouche qui nous a permis d'ouvrir un tel dialogue.

Moi qui suis aquariophile, ça m'arrive souvent, au détour d'un film, de découvrir par exemple un aquarium d'eau de mer peuplé de poissons d'eau douce !!!

Pas problème, je vais très vite ouvrir un fil lakota

Je dois dire que j'aime bien ce que tu écris et la façon dont tu nous le fais vivre...j'en redemande !

Je ne connais pas beaucoup la culture Sioux. J'ai plutôt grandit près des réserves Algonquines, Huronnes et Iroquoises. Ce poème m'interpèle beaucoup Farouche, puisque je suis descendante directe de ces "Preneurs"...

Merci beaucoup Narangee.

Fracas, je suis heureuse que tu puisses être touchée par ce poème. C'est important de se sentir concerné, je crois. Mais n'oublie pas que nous ne sommes pas coupables des fautes de nos pères. Se souvenir, oui, pour ne pas recommencer et réparer un peu, si on peut, mais ne jamais battre sa coulpe.