Gatsby à présent étirait tendrement ses branches frèles vers ce gris doré que les étoiles essayaient désespérément de transpercer.Même ainsi, il était beau le ciel ! La lune était là, elle aussi, toute grise, comme un deuil .N’avait-elle pas été plutôt blanche ou jaune ou rousse ? Que s’était-il donc passé pour que les couleurs se mettent en retrait ? Qui avait grignoté peu à peu le courage des hommes, leur amour, leur tendresse, leur foi, leurs rêves.Quelle haine, quelle rage, quel désespoir, quelle indifférence avaient fait de ce monde-ci un désert gris de pluie? Gatsby se souvenait alors des oiseaux de mille couleurs rapportant les nouvelles du ciel, des feuilles de l'automne et leur odeur si particulière, des nuages et leurs cancans pluvieux mais toujours en d’autres devenirs et puis… le chant du vent dans les vertes collines, la gaieté des champs de blé, la folie des pissenlits ...
Peu à peu , Gatsby ouvrait la porte d’un nouveau monde au petit garçon. Un monde clair et joyeux et Petit Pierre se souvenait encore de ce fameux jour où il avait fait la connaissance des amis de Gats. Une joyeuse troupe !
« Ils sont tous là ! » avait dit Gatsby à son oreille .Ils sont venus pour te voir ! »
Petit Pierre avait été surpris et fier aussi de voir que son ami avait parlé de lui.
« Petit Pierre , je te présente mes amis : »
« Robert, le ver de terre ! »
_ A votre service, mon prince !
« Henriette, l’alouette sans tête ! »
_Qu’est-ce qu’il a celui-là ? Qu’est-ce qu’il a ?
«Simone, l’oie bleue. »[
_Charmant, vraiment charmant!
« Tatou , le hibou roux .»
_Où? Où?
« André le pou, roi des papous.»
_ Enchanté de faire votre connaissance, jeune homme, enchanté !
Et « Dédé , le pavé chanteur ! »
_ O , sole mio !
_ Bon, puisque tout le monde est là » avait dit Gats, « le spectacle va pouvoir commencer! Regarde Petit Pierre, regarde avec tes yeux, mais aussi avec tes oreilles . »
Alors les pavés gris s’étaient mis à briller, à onduler tendrement sur la terre étouffée ; et le gris du ciel devint presque bleuté et la lumière du soleil de se fondre dans le bleuté du nouveau ciel et les oiseaux de se remettre à [c]chanter ce refrain qui en mémoire m’est revenu soudain :
[color=white]"Dédé": Si je fus un triste pavé gris[color:1942=#ababab:1942] ,
Irène : Si je fus pour toi mélancolie,
Dédé : Si contre mon ventre dur tu t’es blessé
Simone : Un jour de pluie,
Robert : Enfant de la terre, enfant petite misère…
Dédé : Je serai pavé de couleur,
André : Te ferai danser de bonheur,
Dédé : Serre-toi contre mon cœur si j’en ai un si tu veux bien,
Tatou : Donne moi la main .
Tous : Ensemble, nous changerons la couleur du gris.
Dédé : Pour le moment, une éclaircie,
Robert : Un pavé bleu , je suis heureux !
Soudain descendu d’on ne sait où, était apparu un oiseau gris à l’œil méchant et fourbe.
L’oiseau :« Croa !croa !Vous ignorez donc tout des lois en vigueur !
Gatsby: Qui es-tu et que veux-tu l’étrangère ?
L’oiseau _On m’appelle Macon, Macon la corneille et ma mission consiste à faire respecter les lois.
Tous _ Les lois ? Quelles lois ?
Macon : _ Les lois grises, c’est ainsi qu’on les nomme !
Tous : _ Qui est- « on » ? Qui est-« on » ?
Henriette _ Des lois grises ! BEURK !BEURK !BEURK !Pourquoi des lois grises ?
Macon :_Ne savez-vous donc pas que le gris est présent la dernière couleur du monde ?
Tous : _ Le monde ! Quel monde ?
Macon : _ Notre monde !…C’est pour cela qu’il a fallu établir de nouvelles lois : « AFIN D’EMPECHER QUE LE MONDE NE DISPARAISSE TOUT A FAIT ! »
L’oie : _Coua coua coua ? Et pourquoi des lois grises ? Beurk !Beurk ! Beurk ! Changeons les lois !…
Tous : _ Oui ! Changeons les lois !
Tatou : _ Moi Tatou, je soumets au vote de l’assemblée des lois rousses !
Macon : _ Silence !
Robert : _ Je propose quant à moi, des lois blanches !
Macon : _ Silence !
Tous _ Des lois rouges !Vermillon !Caramel !Changeons les lois !Oui !Changeons les lois !
Macon : _ SILENCE !… L’humeur des gens changea au fil des heures, des jours, des années. Elle devint morose comme tout alentour. Alors « Ils » firent de nouvelles lois qui leur ressemblaient. Ou bien, c’est le contraire, je ne me rappelle plus. Croa !
Tous : _ Faux ! Archi-faux !
_ Qui sont-« Ils » ? Qui sont’ « Ils » ?
Macon : _ Croa ! Croa !
L’oie :_ Pourquoi ?…Coua, coua, coua !
Le pou : _Quel soucis ! quel soucis !
Le hibou_ Hou, hou, hou.
Dédé : _ Que faire ?
Macon :_ Cacher vos couleurs !
Tous : _ …Cacher nos couleurs ?
Gatsby : _ Mais enfin , qu’y puis-je, si je suis vert !
Simone :_ Et moi, bleue , heu si tu veux ?.
Gatsby : _ Je suis vert et tout à fait vert !
Macon : _ Je pourrais vous peindre en gris ? Heu … Je veux dire, en attendant !
Simone : _ En attendant quoi !coua, coua …
Robert : _ Si tu me peins en gris et qu’avec le temps tu m’oublies pris dans le gris du temps !
Tatou : _ Tant pis, tant pis !
Gatsby : _ Et que ferai-je moi, tout seul, vert en vérité et gris pour ces pavés.Le ciel versera-t-il ses larmes pour me laver ? Les passants penseront-ils à lever les pieds pour pas m’écraser ? Et les oiseaux du ciel , arriverai-je encore à les faire sourire malgré tout ce gris par milliers ! Non vraiment, cela fait trop de gris !
Tous : _ Oui, trop de gris !
L’oie : _ … Je suis bleue, trois fois bleue !
Gatsby : _ Je suis vert et je reste vert…
Robert : _ Je suis ver et je reste ver !…
Macon :_ Soit ! puisque c’est ainsi , nous allons prendre les mesures adéquates. »
Alors l’oiseau gris poussa un croassement rauque et jetant sur l’assemblée un regard rempli de maléfices se fondit dans le cœur gris de la nuit.
Qu’à cela ne tienne ! Tout ce petit monde n’avait cessé de se réunir et chaque fois la fête avait été à l’honneur.
Tatou , le hibou roux qui depuis toujours rêvait de devenir trapéziste, exécutait avec passion ses numéros de voltige sur les branches nues des arbres .
Depuis qu’elle avait rencontré Robert, Volte-Plume avait arrêté de s’en prendre à la terre entière . On pouvait même les apercevoir côte à côte, riant et discutant tendrement. Elle était comme disait Robert : « à nouveau pleine de projets ! »
André le pou régnait avec bonheur sur le petit peuple. Bien sûr, sa couronne était un peu trop grande mais Simone l’oie bleue, veillait à ce qu’elle ne tombe pas de sa tête, cela l’ aurait rendu trop malheureux !
Gatsby, lui grandissait. Il disait que les rires de ses compagnons était le soleil que les ombres grises des lois cachaient aux hommes.
Petit Pierre, lui aussi grandissait avec son secret à l’intérieur de son cœur, Marguerite à ses côtés. Marguerite, qui venait parfois partager avec Pierre ses jeux d’enfant. Voyait-elle Gatsby ? Entendait-elle le chant de Dédé le pavé et les rires de ses compagnons de couleur ? Petit Pierre n’en était pas toujours très sûr. Mais après tout, était-ce vraiment important ? Ce qu’il savait, c’est qu’elle était à présent à ses côtés et ça oui, pour sûr, ça , c’est ce qui compte !