Tout a été dit

Maître Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007

Tout a été dit, tout a été écrit ? Non. Pas ce matin du vingt deux septembre où l’été s’étire en automne dans un bâillement mauve sur son lit de brume. Ni cette lumière douce et laiteuse. Les arbres rient jaune sachant l’inéluctable et au-dedans je vagabonde sur un doute.

Quand l’hiver point, que reste-t-il à faire qui ne soit pas vain ?

Au prix d’un peu de marche vers leur habitat, visiter la prêle des champs et la reine des prés avant leur nuit et les coucher sur des sels argentiques.

Tout est écrit sur ces plantes et beaucoup les ignorent. En tête le paysan qui rogne et rogne le bas-côté du halage. Il faudrait lui dire son extension meurtrière pour la prêle. Elle se reproduit sans fleur depuis quelques millions d’années et sa « queue de renard » est un bouquet de silice, le chirurgien du corps.
Respect à une doyenne du végétal aussi utile qu’excentrique de forme.

La reine des prés sur sa tige grenat regorge d’acide salicylique. Une plante aspirine.

Elles sont mille à pouvoir contester l’artifice chimique. Un artifice ici dévoiement d’un mot flamboyant. Où s’arrête l’art de soigner, où commence le factice, le dévoyé, l’illusion nocive et la duperie ? Aux confins de l’orgueil, de la vanité et du profit ?

Louis a fait l’inventaire exhaustif des merveilles et chacune mériterait son poids d’encre poétique. A demander ce qu’il en pensait à un papillon, il fut flatté et tournoya d'un acquiescement d'ailes. Ils ne sont pas grand-chose ces végétaux et déjà si complexes.

La science a extrait leur matière et oublié leur vie. Comme une âme, une impalpable énergie tressée de terroir, d’eau et de lumière, de caresses du vent. Oubliée, elle reste une inconnue, évidence qualitative pour les uns : ils soupçonnent l’envers du visible ; négligeable pour les cartésiens de la quantité pondérable en molécules, milligrammes et dividendes.

Tout n’a pas été dit, tout n’a pas été écrit. Un univers reste à découvrir avec des lunettes osant les questions sur l’infinitésimal et le sensible.

J'adhère totalement au fond, et cette idée géniale de dire que tout a été dit et écrit, pour ensuite démontrer que non ; et l'idée de dire que tout est écrit sur les plantes...

En revanche certains vices de formes me gênent un peu :
ces retours à la ligne étranges, et surtout ces turgescences de mots brutalement et cliniquement pragmatiques, voire scientifiques.

Et sinon "il fut forme ailes" : heu... désolé, mais ça ne passe pas !

Sinon, "Quand l'hiver pointe". Point est un nom commun, comme dans "point du jour".

Ma préférence va sans conteste à la première strophe, magnifique.

Maître Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007

"Au prix d’un peu de
marche vers leur habitat, visiter la prêle des champs et la reine des prés
avant leur nuit et les coucher sur des sels argentiques."

Je comprends ce rytme qui
laisse le temps aux choses de
s'accomplir.

Très bel hommage, encore.

Maître Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007

"La science a extrait leur matière et oublié leur vie"... Superbe.
Oui tout à été dit, mais comme disait Prévert, il faut toujours répéter parce que personne n'écoute!
Et rendre hommage à la prêle cette préhistorique obstinée, il fallait y penser!

Maître Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007

Merci de vos passages.

Filo, je maintiens" point" du verbe poindre à la troisième personne du singulier.
Sur la mise en forme et les renvois à la ligne, je ne les ai pas voulus: le fait d'enregistrer a déformé ma mise en forme initiale qui n'est pas celle-ci...je vais tâcher de la reproduire telle que je la voulais.
Je te concède "forme ailes" un peu "capillotracté", mais pas les mots en ique que je sais que tu n'aimes pas...ces mots plus techniques ne peuvent-ils pas avoir aussi leur place dans la poésie? Ref à WG Sébald ou Francis Ponge...
je te demande de concevoir qu'ils ont aussi leur place ici...tout ne nous est-il pas permis? A partir du moment où ces mots entrent dans un rythme et un travail d'écriture?
Voilà, j'ai corrigé. Merci de ta critique toujours positive.

Prophète Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007

Dans chaque végétal, aussi infime et discret soit-il, existe tout un univers.
L'autre jour, en nettoyant le jardin, j'ai coupé quelques branches envahissantes de ma prolifique passiflore. C'est une liane, brésilienne d'origine, qui non seulement a décidé de couvrir mes murs mais ne perd même pas ses feuilles en hiver. Le tronc est aussi épais que mon bras. Et je suis tombée en arrêt devant une des fleurs. Elles sont si étranges, vraiment fascinantes (et en plus elles sentent bon) ! C'était tout un petit monde que je tenais dans mes mains.
Alors je comprends fort bien ton amour, Geho, pour cette modeste prêle, pourtant si pleine de vertus. Et j'aime tes textes qui reflètent cet amour et cette attention bienveillante pour chaque élèment de cette nature, dont on oublie la force et la grandeur incommensurable.
Quoi qu'en pense l'orgueil des humains, nous ne sommes que des atomes face à elle, Gaïa.

Geho, ok pour "poindre", je m'incline honteusement.

En ce qui concerne les mots scientifiques ou trop pragmatiques, oui, bien sûr je le conçois, mais je commente aussi avec mes goûts personnels lorsque je dis que ça me gêne, je ne prétends pas constituer référence !
Continue à te lâcher donc, je t'en prie !