A son image...

J’ai vécu un peu tu sais mais pas beaucoup, plutôt comme on butine une fleur, éclair de noir sur fond rouge. Incapable d’être constant. Incapable d’excès. Beaucoup trop raisonnable. J’ai vécu, mais souvent dans l’ombre. Mais souvent trop peu. Le souffle me manque pour sauter le plus haut ou pour courir plus vite. J’ai vécu timidement le jour comme la nuit, sans faire de différence, sans rêver être une autre. Sans même rêver être une autre. J’ai vécu comme un rêve. Maintenant je lutte pour faire croire à moi-même que je veux tout changer, que je ne suis pas comme ceux qui chantent au même rythme et qui marchent en cadence, et se laissent pousser comme des fétus de paille, morceaux de bois flottés, qui possèdent une histoire mais sont trop lisse pourtant pour nous la raconter. Je suis l’enfant prodigue de la littérature qui s’est dépensé dans des stances trop molles, quand il les faudrait dures. Et pas assez folles, qui se veulent trop mures. Je suis toi, mais tu ne le sais pas. Je suis le monde, son éternel recommencement, car rien n’est différent, rien n’est original. Un serpent cannibale, friand de sa chair froide.

Tu te crois fou, mais dans ta folie, c’est à tous que tu ressemble…

Je nous plains, frère, car nous sommes faits à son image, et ainsi que lui nous sommes incomplets, en attente d’une essence pour combler notre vide.

En attente d’une substance qui se refuse à nous.

Nous mourrons. Et dans nos yeux se reflètera le manque. Celui de l’amour, et plus encore, celui de la douleur…

Celui de l’amour. Et plus encore, celui de la douleur.

Ris, car nous allons mourir ensemble. Et nos deux vides ne feront qu’un.

Emphase et désespérance... mais c'est si joliment dit...
Le "son" de "faits à son image" correspond à qui ? au serpent cannibale ?

J'aime beaucoup "Tu te crois fou, mais dans ta folie, c'est à tous que tu ressembles". C'est tellement vrai, même pour ceux qui revendiquent une marginalité originale qui, du coup, ne l'est pas tant que ça.
Quant au manque d'amour à notre mort, je ne suis pas d'accord pour le généraliser.
Mais c'est un très beau texte.

Maître Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007

Un bel hymne à l'impuissance qui me donne envie de citer Morgane:

"La main d’argent brise à jamais
Les barrières pour les âmes ardentes,
La puissance absolue déferle…"

Prophète Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007

J'aime bien la flamboyance tempérée de tes textes, ce frémissement de passion qu'on dirait adolescente, mêlé à une sagesse désespérée inhérente à une plus longue expérience.
Comme Filo, je n'ai pas bien compris à quoi se rapportait le "nous sommes faits à son image", et je le regrette car cette phrase est à mon avis une des clefs du texte.
J'aime aussi les répétitions qui scandent le texte, elles donnent un poids et un rythme à ce quasi monologue.

Maître Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007

"Nous sommes fait à son image" seraitil une réfèrence théologique?
"En attente d'une essence pour combler notre vide", j'aime bien cette phrase, nous en sommes tous un peu là, mais si j'adhère au "manque d'amour", la douleur (qui est consubstancielle de l'amour) ne me manque pas!
Texte trés fort malgré son désenchantement.

Je pensais que tout le monde aurait compris le texte comme morgane... c'est bien de dieu que je parle, qui nous a fait a son image... interessant comme idée non? pauvre gars...
mais je laisse dans le flou, ca peut etre le monde, ca peut etre le serpent, ca peut etre baudelaire, chacune des références qui nous a influencé...
mais c'était un texte en ecriture automatique, donc il ne faut pas non plus chercher a aller trop loin...

merci pour vos comm

Maître Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007

« … je possède déjà maintenant tout ce qui me sera accordé dans l’éternité ! Car Dieu habite dans cette image originelle avec toute sa béatitude et dans la plénitude de sa divinité. Mais il est caché pour l’âme... Ce trésor du royaume de Dieu le temps l’a caché, et la multiplicité et les œuvres propres de l’âme.... Mais dans la mesure où l’âme qui progresse se sépare de toute cette multiplicité , se dévoile en elle le royaume de Dieu…Car elle est elle-même ce qu'elle tient et ne tire tout que de son propre fond… Ici l’âme et la divinité sont une seule chose. Ici enfin elle a trouvé que le royaume de Dieu est elle-même.

Maître Eckhart.

Maître Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007

Ca m'a paru évident!
"Dieu à fait l'homme à son image, l'homme le lui rend bien" Prévert.

Lorsqu'on fait référence à Dieu par un pronom, en général on met une majuscule pour que ce soit clair. C'est la raison pour laquelle j'ai opté pour une autre solution ici, bien qu'y ayant pensé.
Merci de cet éclairage.

Maître Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007

Sur le texte de Lame, rien à dire sinon souligner la beauté de son expression...et quelques problèmes d'accord.
Sur le fond: Dieu nous a fait à son image? On n'en sait rien. Existe-t-il seulement? L'externaliser est bien utile à pleurer nos manques. Et si chacun l'avait en soi? A aller chercher ...

Oui, Filo, je sais bien, mais je prefere garder un flou... d'une part pour que chacun y trouve son interpretation, et d'autre part parceque j'ai écrit ce texte d'un trait et que je n'ai pas tres envie de le modifier... J'ai du mal a écrire, alors c'est l'automatique ou rien (heureusement que j'ai pas le meme raisonnement pour les voitures :p)