Accoudée à la table verte de la terrasse
L'œil perdu
Derrière la vitre trouble de l’absinthe
Ou d’un quelconque alcool,
Une Agostina Segatori dans « la femme au tambourin »
De Van Gogh,
L'œil posé à la volée
Comme un crochet de cintre
Cherche la barre où déposer son velours rapé,
La dignité enfouie,
Un soupçon de culpabilité,
Peut-être l’espoir
D’un miraculeux passage au souffle pur,
Un habit de soie à l’odeur fraîche de la blanchisserie,
Avant la honte toute bue jusqu’à la lie,
Affichée sans plus de retenue qu’un barrage déchiré d’une brèche,
Quand la bascule au gouffre est jouée perdue…
"Est-ce ainsi que les hommes vivent",(1)
Et leurs misères au fond les suivent ?
Quel drame, Signora,
Dans la larme de ton œil noyé ?
Quelle enfance perdue ou quel enfant mort ?
Quel trottoir pour horizon de rêve,
Quel caniveau pour plage
Et ses crues d’orages gueulards ?
Quels volets claquant comme des gifles
Ou pour éteindre leurs cris ?
Quels corps subis et leur lance
Crachant l’humiliation
Dans ton corps éteint de honte,
Habillé de coups ?
Pour toi cette étreinte émue et fraternelle,
Un bouquet de mots rouges et noirs.
(1)Aragon repris par Ferré.