Le refus

J'ai vu dans tes yeux
comme l'étincelle
qui adrénalise nos corps
quand nos âmes sont paumées
et que la bienséance nous injecte pourtant
des avatars illusoires de normalité

J'ai perçu tes signes
tes lèvres et tes pores
m'ont appelé
sans équivoque
trahissant une voracité
que toi-même ignores

J'ai lu en toi
à travers ton masque
ton appel effréné
ta soif de me rendre miroir
ta désespérance,
ton vide
dans ton coeur
et dans le creux de ton ventre

Je ne remplis pas les vides
et mon tain est rayé d'écorchures
Je ne suis que le forçat
de mon faible intérieur
l'illusion déchue
de mon moi erratique
en réfection

Je pourrais m'enfouir
dans ta fente vorace
en un artefact
de come back
à l'alma mater

Je pourrais t'offrir un éclair
et t'emplir de foutre
mais ton vide personnel
ne serait pas comblé pour autant
ton vide n'est pas plein de néant
vois-le comme une force
un sas nécessaire
à ton cheminement intérieur
explore-le

Je ne suis pas un bon parti
t'investir serait malvenu
mon coeur n'est pas à prendre
car il a trop donné
mon corps n'est pas à donner
car il a trop pris

Et bien ! L'amour ne remplit pas le vide intérieur, tu n'as pas tort. Il magnifie ce que nous sommes. C'est aussi une exploration de l'autre et de soi, c'est sans nul doute un don.
Je trouve toutefois la fin de ton poème très triste, car ton coeur et ton corps sont séparés, à prendre et à donner, comme si la personne pouvait se couper en deux, comme si ton esprit était désabusé ?

Et la vie elle-même m'a confié ce secret: "Regarde, me disait-elle, je suis ce qui doit sans cesse se dépasser soi-même."

F. Nietzsche . Ainsi parla Zarathoustra.

J'avais lu déjà, et avais été marquée par ce poème d'une infinie tristesse. La dernière strophe est d'une force et d'une beauté incroyable.
Mais qui plaindre le plus ? Cette femme qui se voit refuser son désir, même si cette faim n'est que le témoignage de son vide intérieur que rien d'extérieur en fait ne comblera ?
Ou cet homme qui ne croit plus en la force bienfaisante de l'amour.
Car si un peu d'intelligence et de sensibilité habitent cette femme, elle tirera une leçon de cette aventure, du moins cette absence d'aventure, et se construira dans cette douleur qui un jour lui apportera le bien-être et le bonheur. Peut-être.
Tandis que cet homme, dans sa fermeture et son chagrin enfoui, ne peut plus évoluer, juste se laisser porter comme une feuille morte. Peut être un jour ressucitera-t-il à la vie et à l'espoir.

Il est vrai que ce refus est une preuve de respect et d'une certaine façon d'amour pour cette femme qui est invitée à se trouver soi-même. Mais je ne crois pas que cet homme soit
désespéré, il me semble qu'il est simplement en train de se reconstruire; " en réfection".
Et qu'est-ce que c'est beau!

Je l'espère, Margo, je l'espère.
Ton analyse est très fine, et surtout pleine d'espoir. Tu es très sage...