Tendre tilleul

Tendre tilleul




La voiture face au tilleul
La clé sur le contact
Et sur le pare-brise une feuille collée par le vent mouillé,
une contrevenante en place de contravention.
Dans les rayons pâles, un vitrail d'or,
J'hésite à balayer ce coeur et son pédoncule,
L'arbre est derrière et sa couronne a la forme de sa feuille!
Tilia cordata, tout l'arbre est dans la feuille et la feuille dans l'arbre.
Cohérence et harmonie.
Et chacun de mes actes en regard de mon tout?
Y tendre du moins
Si tant est que l'arbre vaille malgré les sillons obscurs,
Les hauts d'ego
Les bas d'égout...
Le tronc du tilleul est lisse.
Toutes les traces laissées, des miroirs de soi?
Et chacun ne saurait les lire seul.
Il croit seulement savoir.
Aux autres de nommer les trop, ces mangeurs des libertés voisines.
Seuls les vrais amis savent dire,
Les autres s'en moquent, indifférence et complaisance en masques
Et un carnaval sanglant les poursuit en chahuts dramatiques
D'avoir laissé aller le trot du trop jusqu'au galop du pire.
Silence pendant la commémoration, on cherche les coupables.
Toutes coupables les feuilles guerres de l'arbre monde.

Un homme, un homme d'état enfin dans ce siècle,
Se lèverait là-bas outre Atlantique?
Moins important que l'espoir qui le porte:
une aspiration mondiale comme un dernier rappel
Avant la glissade assurée vers le nouveau pire du pire.
Toi qui es l'image de tout ce qu'est le monde,
Fais nous oublier « the game is over »
Et Irak, Afghanistan, Congo, Israël, Darfour,
Ces feuilles rouges de l'arbre rouge et leur pédoncule maculé.
Le bourgeon terminal est le chef d'orchestre.
Vient-il à être coupé,
l'arbre pousse anarchique,
Il perd son lien au ciel, la pointe de son coeur.
Viendrait-il à être coupé,
Le bourgeon noir sacrifié dirait décidément
La préférence des hommes à courir à leur perte.
Et je tremble qu'ils renoncent à renoncer,
Refusent la frustration, le dialogue, la justice et la différence,
Ces refrains qui ne vantent ni le plaisir, ni l'ego.
Le grand artiste a compris cela:
Mourir à soi pour renaître transcendant et universel.
La clé de l'harmonie dans la cohérence de la beauté et du coeur:
Tout dans la partie et la partie dans le tout,
Une histoire de tilleul.

Tendre bois dont l'aubier soigne
Et la fleur apaise.
Il draine, l'aubier, il élimine le trop:
Rudolf Steiner a prétendu que chaque plante
Portait l'apparence de sa nature profonde
Et les principes favorables à cette nature.

On pourrait croire à un précis de phyto-thérapie et de botanique mais à y regarder de plus près on entre dans un monde bien plus subtil que "l'alchimie"" des simples...J'y retrouve plutôt une chronique abordée avec un regard critique et une forme malicieuse. Du bon travail, Ami. Compliments - LOUP.

Quelle étrange alchimie que ce texte...
Comment peut-on être dans un registre à la fois bucolique et polémique ? Petit miracle que tu réussis avec la démonstration d'une personnalité affirmée et originale.
Bien sûr, je relève de bien belles choses, comme
"Les hauts d'ego
Les bas d'égout..."
et "avoir laissé aller le trot du trop jusqu'au galop du pire".

Intéressante, la remarque de Steiner.
J'ai passé une partie de l'été à méditer sur les fleurs de ma passiflore, des centaines et des centaines de fleurs à l'aspect si étrange qui s'ouvraient tous les jours. Chacune étant une petite oeuvre d'art tournée au moule et subtilement odorante.

"Une histoire de tilleul", mais quelle histoire.
Tout ce qu'on peut voir dans une feuille de tilleul.
C'est beau un tilleul (tous les arbres sont beaux), et les fleurs sentent si bon à la fin du printemps!
Médcinal, et bien plus, soigne corps et âme par le lien avec la nature...
Ygdrasill, l'arbre monde...
Tant et tant dans tes mots, une forêt dans laquelle je suis si à l'aise...

" Depuis l'origine, le destin des hommes fut associé à celui des arbres par un lien si étroit et si fort que l'on peut se demander ce qu'il adviendra d'une humanité qui l'a brutalement rompu"
Le 1er paragraphe de la préfce de "Mythologie des arbres" Jacques Brosse.
Je n'en ai pas lu plus, je viens de le recevoir, mais vous allez en entendre parler!
"Am brunen von den toren
Da schtet ein lindnenbaum"
Un lied de Shubert, et tout ce que j'ai retenu d'allemand, une louange au tilleul!

oui, lindenbaum: un de mes mots préférés de l'allemand et j'ai ce lied en musique et chanté par Fischer Diskau.
Dis moi, Morgane, ce n'était pas l'arbre sacré des celtes, ce tilleul?
J'aurai pu en dire plus: qu'il est apprécié des sculpteurs et qu'on ne le voit que rarement dans sa forme naturelle: sur les places ils entourent en général le monument aux morts et sont taillés comme des moignons: à l'image de l'empreinte de l'homme sur la nature: l'irrespect à son propre service exclusif.
Constance: on nous a habitués à parler des choses distinctement, séparément...mais quand tu observes la nature, tu vois que tout se tient et que l'homme fait bien partie du système. Il aurait les moyens de le gérer, il préfère souvent le dominer sinon le détruire .
Wielk, bonjour. Loin de moi la malice, je cherche simplement des correspondances et elles viennent "naturellement".
Merci de vos lectures.