J'oublie

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

J'oublie le nom des choses,
l'arbre dans la cour de l'école,
les yeux de ces femmes jeunes alors qui sont devenues lasses.
Les printemps déchirés par le vent du nord.
Les automnes glissant sur un rai de chaleur.
Les sons et les chansons. Les mots et les couleurs.

J'oublie la douleur de grandir, et les mots que pépé disait.
Sa main fermée sur ses doigts atrophiés.
J'oublie mémé et ses rengaines.
Leurs disputes incroyables.
Tellement d'amour dans la cuisine.
Le robinet versait ses larmes.
Et le métro passait dans la fenêtre.

J'oublie ...
Les matins d'adolescence aux yeux gonflés.
Les pantalons usés jusqu'à la trame.
Les samedis passés à mater les gens dans la galerie marchande.
Les nuits blanches.
Les amis.
Les amours.

J'oublie l'Angleterre des 20 ans.
Les drôles de coiffures des juifs de Manchester.
Les rasta qui vendaient des joints tout fait.
Le brouillard d'hiver et le froid du matin qui pique.
L'année de solitude tellement
grouillante de gens.

J'oublie...
l'avant-vie mais c'était la vie.
On y reviendra plus.

On oublie.

Gardien de la foi Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008

(une petite faute : on n'y reviendra plus)

Il y a des vers très séduisants à mon oreille, comme
"Le robinet versait ses larmes.
Et le métro passait dans la fenêtre." ou
"L'année de solitude tellement
grouillante de gens." (sauf le "tellement"" que j'aurais remplacé par "si")

Contente de découvrir ton écriture LaBourrique Smile

PS: bienvenue dans le Cercle sunny

Maître Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007

Je suis très touchée par ce poème, par la tendresse et la sonorité de tes vers.
Une poèsie lègère comme de la dentelle et aussi des images surprenantes :

"Et le métro passait dans la fenêtre..."

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

Margo : C'est un métro aérien ... Smile

Farouche : D'accord pour le " si" au lieu du " tellement" et pour la faute ( j'ai honte )

Merci pour vos critiques! jocolor

Maître Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007

Une évocation qui touche, mention spéciale pour "L'Avant vie c'était la vie"
Une écriture que je découvre avec grand plaisir!

Frais, spontané, empreint de nostalgie.

Par contre j'accroche sur ce vers "les yeux de ces femmes jeunes alors qui sont devenues lasses"
Le "alors" me paraît incongru

Ces choses que tu es censée oublier et que tu dis quand même me parlent, et les dire ainsi avec des mots si simples est un bon parti-pris.
Personnellement je serais plus circonspect sur l'emploi de "mémé" et "pépé" qui me casse un peu le caractère onirique d'un poème, même sans emphase, que je trouve pourtant délicieux avec les images allégoriques du style "Les printemps déchirés par le vent du nord. / Les automnes glissant sur un rai de chaleur", plus facile avec les larmes du robinet, mais quasiment surréaliste avec le métro par la fenêtre.

C'est donc plus qu'un simple texte nostalgique, c'est de la nostalgie elle-même dont tu traites ; et en ce qui me concerne ça fonctionne (notamment l'adolescence et à la fin l'Angleterre).

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

memere : "alors" dans le sens de " à l'époque".

filo : l'emploi de "pépé" et "mémé" parce que voilà, ils n'étaient que ça : pépé et mémé. Quand on est gosse, c'est comme ça, les grands : y'a papa, maman, pépé, mémé... Very Happy

Merci pour vos remarques constructives : c'est la première fois que je suis amenée à réfléchir sur mes textes, en définitive. Smile

C'est vrai qu'ailleurs, bien souvent, on a des " compliments" et basta.
Oui c'est bien de nostalgie qu'il s'agit. Récurrent dans mes textes. Au bout d'un moment ça lasse... Smile

Prophète Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007

C'est toujours une expérience agréable de découvrir une plume, et je dois dire que je suis touchée par ta simplicité et les belle images oniriques de ton texte.
Je pense que j'aurais réduit : "les yeux de ces femmes jeunes alors qui sont devenues lasses" en enlevant "jeunes", tout simplement. Ou pour donner un sens plus proche du tien "les yeux de ces filles d'alors qui.."
"Leurs disputes incroyables", je trouve l'adjectif un peu pauvre. Peut-être "épiques" conviendrait mieux, ou alors trouver quelque chose de totalement différent, plus poétique comme "empourprées" (je dis ça un peu au hasard)
La 3ème strophe parait un peu légère par rapport aux autres.
J'aime beaucoup la strophe sur l'Angleterre, il y a vraiment une force du souvenir, une tendresse un peu triste.
Dans l'ensemble, je trouve ce texte nostalgique très agréable à lire, j'attends la suite avec impatience.

Prêcheur Nombre de messages : 937 Date d'inscription : 28/09/2007

J'aime bien le contraste entre le verbe et l'énumération des souvenirs. Il y a effectivement des images un peu lourdes comme
"les yeux de ces femmes jeunes alors qui sont devenues lasses."
"Les samedis passés à mater les gens dans la galerie marchande."
J'enlèverais plutôt "qui sont" dans la première phrase et "passés" dans la seconde. Un peu trop de points à mon goût
"J'oublie la douleur de grandir, et les mots que pépé disait." Je n'aurais pas mis de virgule.
Mention pour la fin

Maître Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008

Ma petite pierre à l'édifice. D'abord, j'ai trouvé ton texte très émouvant et il m'a particulièrement touchée.
La phrase "Les yeux de ces femmes jeunes...", je suis d'accord avec ce qui a été dit. Elle gagnerait à être retravaillée. Mais à ta sauce...
Pareil pour "pépé" et "mémé". C'est vrai que j'aurais préféré grand-père et grand-mère, tout aussi doux mais moins... moins... enfin moins.

Un détail : "les joints tout faits", avec un s, il me semble bien.

Et la très belle fin, courte, toute en pudeur grâce à ce "on" soudain :

"J'oublie...
l'avant-vie mais c'était la vie.
On y reviendra plus.

On oublie."

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

Mais je n'aime pas "grand-mère" et "grand-père", c'est n'est pas dans mon vocabulaire, et encore moins dans le leur, eux qui n'étaient que de pauvres immigrés ne parlant pas le français...

Pépé mémé c'est plus affectueux pour moi, plus personnel.

Merci pour tes remarques Smile