Maman est un mot que je n'ai jamais prononcé

À celle qui m'a porté comme une erreur
va dire que j'ai oublié son visage

dis-lui et ne souris pas
que je ne pleure pas
l'absence de ses bras
des ses baisers, de ses douces paroles
et tout ce que je n'ai jamais eu
je regrette seulement
ce sort qui l'a emportée
avant d'avoir pu la connaître

dis-lui et ne pleure pas
que j'ai dépassé son âge
que je suis grand à présent
et que je n'enfanterai pas
pour rester à tout jamais
l'enfant qu'elle porta
qu'elle a sauvé
mais qui lui a pris son dernier souffle de vie

dis-lui et ne reviens pas
que ma vie s'écoule
comme une maladie
que je n'en guérirai pas
et que le dernier jour avant de partir
j'essayerai juste une fois
de prononcer son nom
pour voir ce que ça fait.

Ça fait mal, et cela donne à réfléchir. Les traces y restent
pour toujours. Et la lecture aussi.


Cruel et poignant.


PS. Je reviens tout doucement après une longue pose, avec un
poème « doux ».

Cordialement Solweig

Je crois te connaître l'ami et savoir qui tu es même si notre contact réel a été assez bref. J'ai mes souvenirs et j'ai apprécié ton contact et ton accueil et puis aussi ton thé au épices...Je suis ému par ce texte parce que je sais que tu es un homme de coeur et ces mots que tu ne peux dire , que tu n'as pu dire...ils sont dans ton coeur ! Avec toute mon amitié , sincèrement. LOUP.

Je suis peut-être incorrigible mais je veux croire à la guérison de toutes les blessures...

Certaines blessures ne guérissent pas, mais elles permettent à certaines personnes de percevoir avec intensité la douleur d'autrui. Se savoir blessé autorise à regarder la douleur des autres, à s'y attarder, à ne pas avoir peur de ce qui effraie tant le monde. Bravo Filo de prononcer ce mot : maman, car tu l'as enfin prononcé, pour toi, pour nous. Merci. Un homme qui pleure, cela peut être beau.

Un poème n'exprime pas toujours l'entière et complète réalité, mais il vient toujours, au moins en partie, de blessures secrètes et lointaines.
J'ai toujours beaucoup aimé ce texte, il provoque en moi une émotion profonde, il s'ouvre comme une fleur délicate et pudique sur des mots que trop de gens cherchent à cacher ou à enfouir.

Dire que le mot "Mère"? Moi qui le suis je ne sais pas encore vraiment quel sens il a!
Mais quel que soit le sens symbolique de ton texte il reste que, une "Mère" c'est quoi?
Un mot fort, trés , à porter pour une femme!

Mais quand même être mère est avoir donner la vie à des enfants qui n'ont pas demandé à naître, juste que que quand tu les as mis au monde, tu assumes leur vie! Et la seule force que tu puisses leur transmettre c'est la "VIE" que tu leur as donnée! Ils en font ce qu'ils veulent et peuvent en faire de cette vie Filo, à mon humble avis, tu t'en tire pas trop mal!

Un texte très touchant auquel l'anaphore donne beaucoup de force.
Je suis émue.

Je fais remonter ce poème qui résonne douleureusement en moi et qui me touche beaucoup. Je crois que c'est un mot que je ne prononcerai plus jamais ou du moins que je n'arrive plus à prononcer qui reste coincé quelque part entre la gorge et le coeur.

" il s'ouvre comme une fleur délicate et pudique sur des mots que trop de gens cherchent à cacher ou à enfouir."

on ne peut rester indifférent à une telle intensité. Mais, justement, Vestale, je pense avec franchise et sans vouloir te blesser que retravailler ce texte pour qu'il soit moins dans l'émotion t'aiderait à sublimer le vécu en magnifiant tes mots.

Geho, ce texte n'est pas de moi mais de filo, je n'ai aucune prétention à y toucher.

Tu as eu raison, Vestale, de faire remonter ce texte.
Au delà de cette émotion à fleur de peau, emplie de pudeur et d'abandon à la fois, de dignité douloureuse, j'ai trouvé extraordinaire qu'un homme soit capable d'écrire un tel texte.
Pour ma part, je trouve qu'il n'y a rien à retoucher. C'est le genre de texte qui inspire le plus grand respect, parce qu'il touche au plus profond de nos coeurs, et qu'il résonne douloureusement pour pas mal d'entre nous.

Eh bien... voilà un texte qui ne peut laisser indifférent personne, surtout pas moi. C'est très sobrement beau et cela me touche infiniement.
Les répétitions sonnent douloureusement le glas d'une faille que tu nous livres ici et qui ne se fermera sûrement jamais.
La mort, c'est la vie !

Touché également

touché aussi par cet aveu de Filo, moi dont la mère est partie trente trois ans après son don de vie, et dont la présence m'a tant fait défaut.
Ce qui manque dans l'absence totale de "maman", c'est sans doute l'expérience du premier véritable amour, celui qui fait des désirs de l'autre ses propres désirs et qui donne au mot "tendresse" toute sa dimension.
heureux de te connaître, Filo...
merci
Mick

constance a écrit:

C'est le genre de texte qui inspire le plus grand respect, parce qu'il touche au plus profond de nos coeurs, et qu'il résonne douloureusement pour pas mal d'entre nous.

Des mères sont mortes, d'autres encore vivantes, à qui on ne peut pas dire "maman". Et ça n'en finit pas de blesser. En tout cas Filo, la tienne a donné le jour à un bien bel être humain.