Fétichiste

Autant puis-je émettre de sérieux doutes quant à ma prétendue propension au fétichisme du mollet, autant puis-je confirmer mon obséquiosité quant à cette péremptoire adoration pour la nuque que je crois déjà avoir évoquée quelque part aux méandres sournois de ma mémoire littéraire.

Peu importe parfois de se poser des questions, peu importe souvent de savoir qui l’on est.

Peu importe le souvenir des mots, le présent ne me rendra pas moins logorrhéique.

Même faire des phrases pour se donner un rôle d’écrivain n’a pas plus de saveur que la navigation narcissique des masques qui se tripotent, tantôt côté cour, tantôt côté jardin, dans l’ombre des classiques et des regards envieux.

Si on se pose les bonnes questions, peut-être trouvons-nous un malin plaisir à s’efforcer d’y répondre au plus mal.

Le plaisir est d’abord dans la recherche, quel que soit le but, et nous le savons tous.

Comme je sais votre agacement présent à me voir tourner autour des poncifs en y plongeant sans cesse mes captieux discours qui n’en finissent plus de se vautrer dans la boue puante d’un égrotant esprit qui ne s’en sortira jamais en allongeant les phrases comme ferait un nanti perché à son comptoir aux heures du mépris à nos vies dérisoires où la mousse des verres envahit le présent en y noyant les vers qui nous boufferont pourtant.

Je plonge et ne remonte jamais à la surface, mon but n’étant pas, et n’ayant jamais été, de sortir mon semblable de sa propre boue où il se complait si bien. Je ne suis qu’un photographe littéraire, claquant des doigts sur un clavier pour des clichés du quotidien qui resteront longtemps aux murs de mon errance quant tout cela sera terminé.

Je ne pose jamais vraiment de question, pas plus que je n’essaye d’y répondre.

Enfilant mon masque quotidien, je deviens fétichiste de la nuque, et cette promiscuité soudaine avec le cerveau que n’aurait jamais pu m’offrir même le plus beau mollet du monde me provoque un vif émoi… pour rester correct, naturellement.

La bienséance n’est jamais qu’un filtre supplémentaire qui n’ôte rien à la saveur populaire des clichés, du reste les filtres sont souvent devenus nécessaires pour se donner l’illusion de savoir apprécier l’art à défaut de l’artiste.

- Qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ?

- Je veux être artiste !

- Petit con !!... Tu feras plombier comme ton père, avec tous ces connards qui baisent dans des piscines sous l’œil de ceux qui n’ont pas encore osé le faire, ce ne sont pas les débouchés qui manquent, sans mauvais jeu de mot.

Accompagner si possible la parole par le geste en ajoutant une claquette au sommet de la nuque, n’en déplaise aux fétichistes.

Ne serait-ce que plombier Polonais aux premières pages des calendriers nouveaux.

Après tout, quoi de plus beau qu’une coiffure désinvolte où se mêlent tempête du naturel et contraintes nécessaires à ces sociétés de plaisance qui nous font autres ? Quand le visage paraît plus doux, quand la nuque soudainement semble réclamer de langoureux baisers que vous laissez aux autres. Sans vous fondre à la société, vous n’êtes pas les autres, les photographes de guerre s’y font parfois tuer, survolant la surface des choses tant qu’ils respirent encore.

L’exposition ouvrira ses portes la semaine prochaine, à mon grand mécontentement, le commissaire a cru bon publier un catalogue bilingue où la bienséance vient titiller la connerie au fil des extraits insipides. Les vifs émois deviennent de scabreuses bandaisons, il paraît qu’un guide est nécessaire à de telles expositions de soi, mais j’ai eu le dernier mot quant à la gratuité de l’opération, la nuque n’ayant probablement pas le même degré de perversité que le mollet à l’échelle du quidam contemporain.

Mais peu importe le prix des questions, peu importe celui des réponses.

Peu importe qui l’on est, puisqu’on peut passer son existence entière à se croire ce que l’on n’est pas, ou pire ce que l’on ne sera jamais.

Combien de masques, encore, à retirer, avant que l’amoncellement des artifices ne nous ensevelisse trop loin de l’appétit grossier de ces vers obsolètes ?

Je m’efforcerai de n’y pas répondre.

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

Bobo les yeux, là. Je lirais demain à la lumière du jour...

Pas bête... j'avais oublié de mettre en forme, comme quoi on oublie vite les habitudes...
Ceci dit je n'y arrive toujours pas pour la dernière phrase des textes... moi et la technique !...

Prophète Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007

Je suis moi aussi fétichiste de la nuque, j'avoue... surtout depuis que j'ai rencontré la plus fascinante nuque du monde civilisé (et non civilisé aussi d'ailleurs), la plus émouvante, sommet d'une longue et sinueuse dégringolade menant aux plus belles fesses du monde, hum, j'arrête, là, sorry...
Les mollets, j'accroche moins.
Le paragraphe "Comme je sais votre agacement présent...", dit d'une seule traite, me semble digne de Desproges.
Ca, c'est un grand compliment.

Pas mal ce texte, très bon, même. J'ai également pensé à Desproges, notamment au paragraphe déjà cité.
J'adore cette phrase :
"Je ne suis qu’un photographe littéraire, claquant des doigts sur un clavier pour des clichés du quotidien qui resteront longtemps aux murs de mon errance quant tout cela sera terminé."

Ce style mi-ampoulé pince-sans-rire mi-cynique te va comme un gant, et j'espère que tu n'en resteras pas là dans ce registre.

Mais pourquoi écrire si gros ?

Gardien de la foi Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008

Comme
je sais votre agacement...
Difficile en effet de ne pas penser à Desproges avec ça.

Je regrette que tu n'aies pas exploité un peu plus le thème de la nuque.
Ah ! Celle de Gabriel Tacchino jouant du Chopin.... tout un concert à le regarder de trois-quart dos... inoubliable !

Maître Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008

Je crois que c'est une des rares fois où je me marre en te lisant. Ce magnifique "passage" (bien joli mot, tiens, "passage" !) m'a plus fait penser à Bukowski qu'à Desproges, quoique... :

"Comme je sais votre agacement présent à me voir tourner autour des poncifs en y plongeant sans cesse mes captieux discours qui n’en finissent plus de se vautrer dans la boue puante d’un égrotant esprit qui ne s’en sortira jamais en allongeant les phrases comme ferait un nanti perché à son comptoir aux heures du mépris à nos vies dérisoires où la mousse des verres envahit le présent en y noyant les vers qui nous boufferont pourtant.

Je plonge et ne remonte jamais à la surface, mon but n’étant pas, et n’ayant jamais été, de sortir mon semblable de sa propre boue où il se complait si bien. Je ne suis qu’un photographe littéraire, claquant des doigts sur un clavier pour des clichés du quotidien qui resteront longtemps aux murs de mon errance quant tout cela sera terminé."

Et bukowski, peut-être Farouche y a pensé aussi un peu, même inconsciemment, quand elle en vient au concert d'un pianiste. Mater sa nuque, j'te jure ! Quoi de plus beau que les DOIGTS d'un(e) pianiste ? Hypnotisant !!!! Même les mains d'un écrivain sur un clavier ou tenant un stylo... Bon, me voilà partie...

Guide Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008

filo a écrit:: Mais pourquoi écrire si gros ?

Ben à l'origine c'était tellement serré et petit qu'on avait du mal !
Moi, je trouve ce texte assez chiant ! ( à part l'épisode du plombier...)
Very Happy

Bon ben je retourne dans ma boue où je me complais Smile