J'avais écris en Inde un texte sur les sourires. Je l'ai déjà posté, il y a une éternité, mais je te le remets ici, Garance, en espérant qu'il te fasse... sourire.
Offrandes
Des sourires, fleurs écloses aux vertus contagieuses
Sourires des passants dans les rues surmenées, au milieu de la foule glissant autour de nous tel un fleuve animal
Sourire plein de fierté d'une mère qui me montre son enfant, petit lotus endormi dans les eaux calmes de ses bras
Sourire
d'une élégante aux bras de son époux, sourire indulgent pour ces fous
de touristes assis sur le trottoir écrasé de soleil
Sourires aux yeux liquides de jeunes épousées, dans une envolée chatoyante de saris mis à sécher sur les marches du fleuve
Sourires
des gamins multitude, leurs pieds nus clapotant dans les mares
d'ordures et de poussière, sourires immenses se muant en gloussements
et rires et cris en voyant les photos de leurs faces hilares
Sourire
timide du petit commis chez nos amis marchands, sourire le matin en
nous accueillant, sourire quand il nous apporte le chai, sourire en
croisant mon regard, sourire lorsqu'il amène les coupons de soie,
cinquante roupies par jour et sourire quand même
Sourire taché de
bétel d'une mendiante sur Meer Ghat, assise bien à son aise sous un
parapluie immense, relique de l'Empire des Indes
Sourires dignes de
ceux à qui l'on sert un repas gratuit, alignés en une longue et sage et
pour une fois silencieuse tablée sur le sol pavé d'intempéries
Sourire amical d'un gamin accroupi, cassant du charbon pour son petit feu et son commerce ambulant
Sourires gratuits, sourires bakchich
Mais toujours sourires
Loin des faces glaciaires de ce monde nanti, notre monde abstrait de certitude
riche de ses biens et de ses vanités
Et je m'envole malgré moi vers la chaleur, le bruit, le remugle animal aux suaves lenteurs de la ville ceinte de sourires.