Vincent est le fameux "Vava" crédité sur certaines de mes musiques.
Il est mon complice musical et mon meilleur ami depuis 10 ans.
Non content d'être un musicien virtuose, il est également dessinateur, peintre, sculpteur (bois & pierre), photographe et... écrivain.
Il bondirait s'il savait que je dis qu'il est écrivain, car à part quelques pensées de temps en temps dans ses carnets, au milieu de dessins et de collages, il n'a rien écrit. Mais il suffit de lire quelques extraits de ces carnets pour comprendre pourquoi j'ose le dire, même s'il ne vit pas de sa plume évidemment.
Vincent est une sorte de Rimbaud moderne : il aime travailler seul à ses activités artistiques, n'adressant la parole à personne parfois pendant quelques temps, il vit au ras des pâquerettes des minima sociaux, ne mange d'ailleurs pas tous les jours, et a pourtant du mal à accepter de l'argent pour des choses qu'il répugne à appeler "œuvres" et dont il n'est jamais satisfait. D'ailleurs loin de lui la préoccupation de communication et de promotion.
Pourtant, quel talent !
Sa musique est empreinte de recherche (le silence entre les notes, comme il dit), et peut paraître intellectuelle, mais elle reflète une sérénité et une inventivité magnifiques :
voir sa page Myspace et écouter sa musiqueSon écriture donne la même impression : une prose poétique exceptionnelle dont on ne sort pas indemne. Et si vous pensez que j'exagère parce que c'est mon ami, lisez les quelques extraits ci-dessous.
Vincent se décide enfin (après maints coups de pieds au cul de la part de votre serviteur) à publier ses carnets sous la forme d'un livre de 200 pages, qui en ferait trois fois plus s'il n'avait pas éliminé tout ce qu'il jugeait mauvais (qui était bon à mon avis, mais allez essayer de l'en convaincre). Car ce sont quinze ans de parcours dont il s'agit : de 1992-93 à 2008. Quinze chapitres, avec un dessin en tête de chacun (dessins tirés des carnets également).
Vincent n'a pas internet et répugne à demander à quelqu'un d'acheter son livre.
Voilà pourquoi je vous en parle ici :
ceci est un appel à souscription.
Il suffit que je trouve une vingtaine de souscripteurs pour financer la fabrication de son livre.
Donc comme j'ai fait pour le mien, il vous suffit de me dire que vous souscrivez, et je vous inscris sur la liste de ceux à qui j'enverrai le livre dès son impression.
Il coûte 18 €, et pour le règlement, c'est à l'ordre de Filo, et mon adresse se trouve en bas de cette page :
http://filosphere.free.fr/cariboost2/crbst_4.htmlTEXTE DE LA 4ème DE COUVERTURE :
"C’est un journal de bord, un quotidien, un livre d’histoires, c’est un pense-bête, une lettre de rupture, un almanach, une liste et des mots qui soulignent les vides, un testament ou un moment, un dérapage, un glissement de terrain, un parcours, une bulle, c’est une question, un excès en retrait, un petit verre de thé, un carnet de croquis, c’est une bougie qui se consume au vent. C’est une branche morte portée par les eaux, un message dans une bouteille, quelques notes qui s’envoient en l’air, un reflet, un courrier sans adresse.
Tuez le temps, qu’il meure !
C’est un cri dans le vide, dans une petite boîte que je suis seul à ouvrir.
L’écriture est un exorcisme."
Vincent Crépin, artiste et musicien originaire du nord de la France, a quarante ans et vit en Languedoc.
Féru de voyages, de spiritualités et d'expression artistique, il explore et crée dans tous les domaines à sa portée avec à la fois avidité, détachement, humilité et originalité.
Il se définit volontiers comme un apprenti permanent face à la nature, au silence, et à l'humanité.
Aujourd'hui musicien, compositeur et interprète, il vit de sa musique.
Ce livre est la version imprimée de carnets qu'il a rédigés à la façon d'un journal de bord pendant une quinzaine d'années.QUELQUES EXTRAITS : "Sentir. Je cherche la forme. Regarder le modèle sans jamais regarder la feuille. La main devine le format du papier et les lignes s’écrasent, compressées, le cadre prend toute son importance. La peinture est soumise aux lois de la pesanteur.
Je passe rendre visite à Ahmed qui nous réchauffe du café sur son balcon, en brûlant ses chaussettes et ses caleçons, imbibés de parfum parce qu’il n’a plus d’alcool, s’y étant noyé la veille à la recherche de son identité.
Je cherche la forme derrière la forme. Ne pas dessiner la forme, mais le vide autour.
Ma peinture s’encroûte, prend des proportions non définies, je m’égare et cherche encore, mais ne désire pas trouver, reste l’infini, hors du cadre. Vouloir briser les conventions, c’est rester sous l’influence des conventions."
"J’écoute le silence de la nuit, chant d’un oiseau. Calme. Le temps est mou et spongieux. Les sons entrent par des aspérités de mon être et s’affaissent sur des coussins de gélatine. Les capteurs d’ozone s’affolent, le chat se lève. Le temps des cerises, nuages bas et j’attends la pluie. Je suis vide, plein de vide, et ce vide me fait vivre. Le vide n’est rien, rien est immortel, tout le reste n’est que détail, matière. Naître homme et passer sa vie à chercher l’homme. Je ne vois rien de la nuit que sa présence.
Pourquoi vouloir comprendre la vie, la mort, l’amour et la raison des orages. Il faut être là, donner. Voir et vivre. Aller voir ailleurs pour mieux cerner mes contours.
Cela aussi passera.
Les yeux encore un peu collés par la glue de mes rêves, je m’éveille en douceur avec le soleil. Piaillements d’oiseaux, et je prends note de mon humeur sereine, vagabonde et pleine de désirs matinaux. Je pose un tapis sur le toit en pente douce de la ville, là ou le bruit de la petite cuillère agitant le café se répercute dans tout l’univers. Maison circulaire. L’ombre de ma présence me chatouille les vertèbres. J’écoute Nusrat Fateh Ali Khan et me viennent des envies d’orient.
Le train de la vie, toujours tous les jours, mêmes jours nouveaux, qui nous apportent ce qu’il faut prendre. Jours d’avant, jours se suivent et ne sont qu’un. Une coupure de lumière suffit à rompre le dialogue.
Je me penche à la fenêtre ouverte de la ville, prends l’air qui m’est imparti, l’air du matin, l’air de nos souffles confondus de la veille, l’air du soir qui perle et cristallise, l’instant éclate en poussière.
Je regarde passer, me dépasser, courir et revenir, me regarder, le moment. Nous ne faisons rien, nous faisons le rien, grand tout. Une journée est passée, celle là même qui reviendra, selon le temps, selon le plan. Je regarde les gens, mes semblables, les cris de la rue prennent des consonances étrangères et le soir tombe bien bas, si bas qu’on aperçoit la nuit dans l’entrejambe du monde, et je m’endormirai dans tes bras lorsque l’obscurité me prendra."
"La grosse gueule béante du temps es du temps est un leurre. Soldat blessé dans sa caisse à roulettes. Du papier de mer grignote les étoiles, mental fou, mental, planté sur sa croix, avec des punaises comme un poster sur un mur de plâtre. Je dessine dans un hamac et la pluie se met à tomber, lavis précisément aléatoire."
" Si simple, se jeter à découvert dans l’eau froide, sans serviette, nu comme un moucheron qui s’en va jeter sa vie contre une lampe de chevet. Retour à moi.
Parler de soi c’est parler des autres.
La nuit, les couleurs se reposent. Quelques insomniaques rôdent dans la cité et s’agglutinent sous les lumières artificielles. La nuit les couleurs se posent sur la lune. La nuit, je pense aux montagnes russes, je pense à toi, je ne te nomme pas. Je te vois. La nuit c’est le jour des réverbères."
"Le globe immobile prend peu à peu la poussière. La lune descend et les nuages prennent une teinte rose. Le soleil se gonfle à vue d’œil. Je pose la tasse de café sur mon carnet et mon écriture contourne l’obstacle circulaire. Je prends des photos de la vie qui m’entoure, l’univers dans un jardin. Si je prends un arbre, je cherche l’idée de l’arbre, son environnement, sa respiration, le monde qui s’agite autour, devenir arbre. Vivant, lieu de passage, libre sur la pente douce et parfois glissante.
Je prends la pose, sors du temps, ne reconnais pas l’espace, renversement d’accord. Je jouerai comme un sourd sur une guitare sans cordes ni caisse de résonance. Une femme chante en dehors du monde, met au monde des excroissances de la beauté, la beauté des apparences, le reflet de la lune qui sera pleine deux fois dans le mois. Le verre demi plein, moitié vide, tout va très vite, comme une flèche en plein vol, image, symbole, je m’égare. Pour monter, il faut être en bas.
C’est une fleur, c’est un vide, ce n’est rien, petit relatif, le vrai goût des choses ne se situe pas dans le palais.
Il y a des jours qui changent de couleur, un arc-en-ciel désinvolte sépare le ciel du ciel et une petite poussière d’étoile au bout du balai s’accroche encore à son être dans le tas de cendres de la combustion instantanée, la crasse de l’être qui ne laissera pas de trace."
"Je suis témoin sur le bord du chemin qui défile comme un torrent chargé d’objets flottants emportés au large, vieilles chaussures, sacs plastiques, sacs poubelles, écrans plasma, noyés et enfants, troncs morts et idées mortes, modes et travaux. Je regarde passer les poissons, les années.
J’ai bercé l’illusion dans des eaux bien trop chaudes. J’ai douté, menti, juré, craché, maudit, jeté des bons mots, quelle est la question, l’écho des lieux-dits, des non-dits, qui suis-je, où vais-je, est-ce que demain il fera beau, croyant que peut être un jour, croyant que tout peut être, croyant sans la foi. Je respire l’haleine de la mer. Instants de vide à ne savoir qu’en faire. Des moments en attente tandis que la nuit s’avance, fleur se fâne, jusqu’à la fin des temps, à moins que le temps ne cesse. Ce peut être maintenant. Petite lumière."
"Souvenir de l’urgence, des philosophies digestives, des yeux ronds comme des points d’interrogation, de l’adolescence qui déboulonnait le monde en buvant tout ce qu’on pouvait emporter, de débuts d’acquis et de régions obscures à vouloir tout lire et vite en parler, à vouloir faire du bruit jusqu’à l’autre monde, celui des dieux, de la lumière, des récompenses et des châtiments, des châteaux dorés peuplés de princesses blondes endormies, en général pour longtemps, des jardins orientaux aux mille saveurs et mille couleurs et autres détails techniques comme les motifs du papier peint, dans la limite des stocks disponibles.
Écrire l’essence des sons, sifflements stridents, susurrés, sous-jacents.
Aboiements, vociférations, annotations, entre guillemets, en français dans le texte.
Cris et débats, ébats, échos, arguments, langage.
Atmosphère hantée de particules élémentaires, de particules de noblesse. Naphtaline.
Photos froissées mouillées sépia de connus inconnus méconnaissables disparus mémorables, classées par ordre alphabétique ou de grandeur, par ordre d’apparition, de disparition, photos usées de famille en pied, en noir et blanc, en clair-obscur des studios Harcourt.
Des insectes rongent la poutre de mon œil.
J’écoute les branches crisser contre les vitres qui me séparent de la nuit, paysages sonores.
Mal de dos, mal de tête et vin blanc, huîtres et fruits de mer dans le soir tiède."
" En Egypte, un âne est condamné à vingt-quatre heures de prison ferme pour avoir volé du maïs dans un champ.
Les étoiles chantent, à environ treize octaves sous les limites de la perception humaine.
Toujours à chercher ce qui est déjà là. Dans ton regard.
Le soir tombe sur la ville. Je couche des notes sur une surface plane en guise de mémoire, et c’est toi que je vois."