Poèmes alliens °x°

Au grand macache (à un SDF mort en hiver, 2008)
Je suis le héros sans visage
Pour qui vous prierez cette nuit
Des murmures, de grands hommages
Pour moi chuchotés sous la pluie

On a creusé dans un nuage
Pour trouver mon corps endormi
La griffe d'un glacé ravage
A tranché en lambeaux ma vie

Et j'ai fui le vent, les grelots
Du goudron, mon foyer de crève
Le front froid des luttes sans trêve

Demain, quand je serai oiseau
Je planerai sur vous, salauds
Comme un morceau de mauvais rêve.



Les Automates (2008)
Les automates, les êtres de métal
Sont arrivés
Sortis de nulle part, sortis d'un trou noir
Les pieds rouillés
Les yeux crevés

Ils glissent sur nos trottoirs
Grinçant, couinant, désarticulément
Leurs boulons sautent et roulent
Dans la boue
Il y naît des arcs en ciel fumants

Ils crachent des gaz et des fluides
L'air empeste l'huile et l'acier
Quand d'aventure ils rencontrent
Les murs, la pierre craque et croule

Leurs orbites vident
pleurent des larmes néantiques
Pour se consoler, ils s'offrent les uns les autres
Des jetons de métal
Et des bouts de plastique

Leur coeur est en papier
Leurs émotions sont d'encre
Leur voix crache d'étranges râles,
Les automates, les êtres de métal

Ils creusent des trous carrés
Empilent des lambeaux de ferraille
Si l'un d'eux cesse le travail
Il se consume, se soude, craque
Et se casse en poussière ocre

Ils se réunissent parfois
Pour râler et heurter des planches de bois
Se vidanger contre les fondations
Boire de l'huile, claquer, cliqueter
S'asperger de papier

Ils sont vides et lents
Les automates, et mathématiquement,
Un jour ils tombent et cliquettent
Pour vriller l'air vainement

Leurs étrons ne nourrissent pas de roses
Ils soufflent la mort et soufflent pour le vent
Les automates, les êtres de métal
Sont maudits par les éléments

Ce matin, ils sont sortis d'un trou noir
Les êtres de métal, les bannis
De toutes leurs forces vides
Ils bâtissent la plus haute tour
Pour s'en jeter videment ce soir

Là est leur ridicule destin
Ils vont et viennent, bougent
Dans le temps, l'espace et le mouvement
Sans âme et sans espoir
Pour se jeter voracement
Dans des trous.

Loin de là, au-delà des lumières,
Le Mécanicien rit, ses yeux coulent de joie
Il pose ses outils, éteind sa lampe et sort,
les laissant dans la nuit.

Bref. Du spleen de tout petit niveau.

J'aime beaucoup le sonnet Au grand macache, qui me paraît nettement le plus abouti de ces deux textes. On sent que tu as lu Rimbaud et peut-être Pessoa ?
J'aime, compliments.

Les Automates se lit assez laborieusement : pas de rythme, des mots "contondants" et quasi-antipoétiques, des rimes anarchiques, et ces adverbes malencontreux auxquels il vaut mieux carrément renoncer en poésie, jusqu'au banissement.
On y sent déjà plus la touche adolescente, qui veut trop en dire, au lieu de suggérer avec allégorie.

Par ailleurs, je te conseille de ne poster qu'un texte à la fois (tu les épuiseras moins tôt). Car l'accumulation empêche de se concentrer sur la lecture d'un texte.

Il faut croire que je préfère l' anti-poésie.

Justement, je réfléchissais à écrire un poème sans mot dit " poètiques " . Ca change un peu des mots mille fois répétés et vus dans trop de poèmes.

L'exploit , c'est d'avoir fait d'une grue ou d'une pelle mécanique des êtres quasi surrealistes, vivants, et effrayants, pathétiques et malheureux .

Des SDF métalliques!

Pour les adverbes certains sont maladroits , d'autre pas.

Bref, bravo pour ces deux textes!

Les mots dits "poètiques" dans le genre : fleurs, amour , vagues...
Personnellement, je ne rejette rien, seul compte l'effet que cela produit "en moi".
Et puis j'aime bien les associer ces mots dits "poétiques" avec des "grues" et des "cables électriques" par exemple, quand c'est nécessaire. ( A mon bien-être !)

"Comme un morceau de mauvais rêve", j'aime bien.

Merci bien à vous trois pour vos critiques constructives !
Pour ce qui est du sonnet, il est vrai que je l'ai plus travaillé...étant donné que j'ai cherché les rimes et la métrique.
Le second s'est fait sur une sorte de coup de tête. Mais avez-vous vu qu'il s'agissait d'une métaphore de l'humanité ? Vos commentaires semblent ignorer ou laisser de côté ce détail pourtant crucial à mon sens (ou alors, vous l'avez peut-être très bien compris mais avez estimé inutile d'en parler...). Pourtant je laisse des indices: les jetons de métal, les bouts de plastique, le papier représentent l'argent; les trous...Eh bien, l'homme est ainsi fait que, sorti d'un "trou noir", il s'y re-précipite dès que possible... Je voulais éviter des expressions plus imagées...
Les allitérations et les adverbes sont volontairement "lourdingues" dans les deux poèmes: le "front froid" pour suggérer le blizzard; et l'insistance sur les sons métalliques dans le second poème pour que le lecteur "entende" en fond sonore les automates rouler et craquer... Je ne sais pas si cet effet-là est réussi ou s'il ne ressort de ma tentative que de la laideur...
Pour ce qui est du sonnet, j'ai un peu honte de mes rimes faciles comme "trêve" et "rêve"... Mais bon; l'essentiel était de constituer un hommage à ce SDF mort.

J'ai pensé en effet que c'était une métaphore des actes de certains humains, mais pas de l'humanité dans son ensemble. Je le relis donc avec cette idée en tête.

Le mécanicien, c'est aussi le Grand Architecte alors ?

Bien entendu.

Les morts-vivants : vaste programme !

Filo, je te trouve parfois des allures de puriste...
C'est quand même vrai que le deuxième texte est moins abouti et j'aurai préféré des inventions de mots à la place des adverbes un peu "capillotractés". Avec un peu de relecture et de travail, il y a un fond énorme à mettre en valeur.

...et bienvenue Alli.

j aime beaucoup! bienvenu alli!

geho a écrit:

Filo, je te trouve parfois des allures de puriste...
C'est quand même vrai que le deuxième texte est moins abouti et j'aurai préféré des inventions de mots à la place des adverbes un peu "capillotractés". Avec un peu de relecture et de travail, il y a un fond énorme à mettre en valeur.

...et bienvenue Alli.

Merci à vous.
Tu me suggères donc de retravailler ce poème avec des néologismes ?


Sinon, en voici un que j'ai fait il y a des années (en seconde ou en première, je ne sais plus)...C'était la première fois que je m'attachais sérieusement à la métrique. A l'époque, l'alexandrin me fascinait, et je m'attachais énormément aux règles classiques de la poésie (d'où les césures évidentes pour créer un rythme, donc une atmosphère angoissante qui suggère, enfin, je trouve:P , les battements d'un coeur qui s'accélère...

Colonisation
Ils sont venus de loin, montés sur des chevaux
On leur offrit du pain, on leur offrit de l'eau
Ils mirent à nos pieds leur unique trésor:
Nos yeux de s'allumer à la vue de cet or !

Nous avions vécu la paix et la misère
Ils nous firent entrer dans une riche guerre
Ils troquaient des bijoux pour nos âmes humaines
Ils avaient fait de nous les objets de la haine

Le peuple se battit sous la Lune nacrée
Ceux-là pour la Patrie, nous pour la Liberté
Leurs armes étaient tonnerre, et ces hommes des dieux

Le vent était glacé, la terre avait brûlé
A nos mères, soumis, nous fîmes nos adieux
Le cri de leur douleur dans nos dos retentit.

Métriquement c'est en effet pas mal du tout, même si, au début du vers 5 tu optes pour la diérèse sur avi/ons et pas après sur dieux et adieux, mais c'est une subtilité.

Mais on sens le travail de la forme, qui parfois dessert le fond, notamment le choix de mots plus pour la rime que pour le propos.
Le dernier vers est le plus maladroit, surtout la rime finale dépareillée qui tombe mal.

Mais pas mal pour une lycéenne !

Carrément pas mal, même.
J'adore l'ampleur superbe des alexandrins...

:PJe vais rougir.
Pour ce qui est de la diérèse, je ne savais pas que la règle exigeait qu'on l'applique tout au long du poème.°x°
*Le dernier vers a encore une signification "externe", de fond: elle rime bien entendu avec "cri" et est donc "intérieure" (comme la douleur des travailleurs forcés). Tordu, je sais, mais voilà...

Avec "soumis" , "battit" et "patrie" aussi. Pas mal, ces rîmes "intérieures"... ça donne une jolie musique très classique.

Je reviens sur "Les Automates", dont le fond me plaît beaucoup. Je trouve qu'il y a dans ce texte une immense richesse philosophique. Je crois qu'il te faudrait trouver un juste milieu entre la métrique "pure et dure" et les vers libres. En gros, la métrique pourrait t'entraîner à épurer (je suis d'accord avec Filo là-dessus, tu en dis trop, alors que le même contenu pourrait être écrit de manière beaucoup plus courte et tranchante).

Ou alors, as-tu essayé de le développer en prose ?

Et inversement, quand tu es dans la métrique, si j'étais toi, j'essaierais de ne pas tomber dans les inversions et tournures "anciennes" qui donnent un effet un peu laborieux.

Développer Les Automates en prose ?
Je ne pourrais pas: un des atouts est pour moi le retour du refrain "Les automates, les êtres de métal": il s'agit en fin de compte d'une ballade, un peu dans le style Villon (sa Ballade des pendus m'a beaucoup marquée).
Maintenant, oui, c'est sûr, c'est à retravailler en profondeur.
Mais je crains de perdre précisément cette dose de "laborieux" qui suggère les corps qui se délacent lourdement, craquent, rouillent, tombent...Je me sens incapable de signifier tout cela de façon "élégante" ou maîtrisée.
Mais si tu désires, toi, m'aider à améliorer ce poème, rien ne t'empêche de proposer ta propre vision d'un vers !

Des vers automates ??? Dis-donc, tu veux pas que je fasse ton boulot non plus ? T'es bien une lycéenne tiens !!!

Des verres aux tomates...

Des verts hôtes au mat.

(et les verts hôtes rient)

Des verres auto matent ?

Quoi ? Y en a des qui matent ???

On va se faire gronder par Alli...
Quand je pense que c'est The Filo qui a presque démarré le "délire" (je ne précise pas que c'est LaBourrique qui a commencé, mouarf !!!) Quel exemple pour les jeunes générations !

Eh, je ne suis plus au lycée, j'ai vingt ans dans deux jours, merci.
Ensuite, oui, arrêtez de flooder comme des porcs.

Oooh... J'en connais qui étaient encore au lycée à vingt ans. Voire plus. Et puis, ça floode les porcs ???

Décidément ... Tout ça pour "deux vers aux Tom @ !"

hihi

(en même temps si j'écris pas des conneries de temps en temps je m'emmerde grave!)