Pensées traverses
Il y a des jours sans où à se lire on se demande pourquoi encore écrire?
Puis des jours sang et d'autres cent: vermeils ou merveilles...
Au hasard d'une radio improvisée l'émotion naît de l'échange à propos de
l'écriture et de l'application à interpréter un texte, celui-ci:
Terre vivante
Il prend dans sa main trapue
Une grosse poignée de terre
Qu’il égrène doucement
Entre ses doigts épais.
Elle est belle sa terre
Elle vit.
Grumeleuse et humique,
Elle gonfle ou se rétracte
Comme aux marées la mer
Au rythme lent des lunes
Et de l’eau absorbée.
Par ce geste simple
Il lit sa fertilité
Rêve la récolte à venir.
Il lit sa terre brune
Et autour,
Chaque plante qui vit là
Lui révèle un secret :
L’azote sous l’ortie
Et sous la véronique l’équilibre des éléments
Comme sous le lamier pourpre et sous le mouron blanc.
La mesure du savant ne dira pas mieux.
Mais comprenez : il l’aime sa terre,
Avec elle il respire.
Dès l’aurore quand il lui donne son premier regard,
Il la hume, la palpe, la caresse de ses outils et de ses yeux,
Il la sait prête au semis,
A donner ses fruits,
Il souffre avec sa sécheresse
Lorsqu’elle se ride comme lui,
Il patiente lorsque d’eau regorgée
Elle demande à s’essuyer
Au beau temps revenu.
Les sillons dont il la grave sont les vers d’un poème,
Et ses courbes les lignes d'une hanche ou d'un sein.
Sa femme en est jalouse et il en rit,
Les yeux remplis de larmes,
« eau que sa peine a salée ».(1)
(1)Philippe Jaccottet, « à la lumière d’hiver » NRF, Gallimard
Puis les mains fatiguées se blessent aux outils, la tête cogne aux angles
vifs et la première chaleur étouffe la volonté d'effort. Les chiffres
ne veulent pas entrer dans leur
case, ils s'échappent de la mémoire ou du tableau et ne veulent plus s'associer. Les chiffres sont rebelles à ma tête distraite: ce serait bien elle qui est en désordre à ne pas pouvoir régler ses comptes...
Le ménage se mutine et se met en débandade quand il devrait se laisser
entretenir avec soumission: ce seraient bien les mains qui sont fébriles à tenir le balai...
Et cet invité italien qui n'en finit pas de ne pas arriver.
Un nouveau matin commence à planter le décor du potager dans la terre réchauffée d'un jardin explosif.
Il n'y a pas: moi et la nature. Non, j'y participe, elle m'englobe et j'ai
fait corps à jardiner avec elle renaissante. J'en suis la cheville
ouvrière. Il suffit,- mais est-ce si simple?-, de me rendre disponible,
corps et âme, et Pan m'indique la tâche, ce que je dois ou ne pas
faire...
Avant les machines et l'argent, il y avait la peine, mais les paysans
savaient le lien avec la sensible et l'invisible énergie cosmique: il
permet d' entendre le non dit, d'anticiper l'imprévisible, de
connaître sans carte le bon chemin, avec la boussole du coeur et de la
présence réunis. Comme entre les mots de l'interlocuteur nous le
percevons entier: ses sentiments, sa motivation, ses peurs, la vraie
question derrière la question.
Ils se trompent les paysans d'aujourd'hui avec leur culture d'entreprise
performante et de gestionnaires âpres au gain sous perfusion des
subventions. Ils ont perdu leur âme et l'âme de la terre. Les sols
meurent et ils se tuent, ils nous tuent. Le Ciel s'est tu, le ciel se
fâche à nous voir nous entre-tuer.
Terre, tu es un trésor vivant, un feu de tout bois dont la tâche d'entretien
nous revient puisque nous avons la richesse spécifique d'une
conscience, d'une intelligence et d'une sensibilité uniques dans la
nature. Une responsabilité noble que celle d'avoir à gérer ce trésor
pour notre génération et les suivantes. Je me sens adoubé chevalier de
la terre vivante et j'en ressens une joie immense...
Ce n'était que le matin! Le midi, Nicolas m'entretenait de la question des
semences paysannes. Tiens, un autre chevalier de la bio-diversité,
attaché, à travers le monde et contre vents et marées, à promouvoir le
noble métier du paysan : conserver, reproduire et améliorer
naturellement les variétés de graines céréalières et ainsi harmoniser
la semence au sol qui la reçoit. Dessein que la totalitaire industrie,
pour des raisons mensongères de lutte contre la faim, a voulu ramener à
l'uniformité: la graine unique comme la pensée unique! L'aboutissement
devenant la dépossession des paysans de leur art au profit de semenciers les tenant désormais en laisse et en dépendance.
AvecNicolas, nous allons cultiver une diversité vitale et la prolonger tant que nous pourrons...et j'en ressens une joie immense.
Ce n'était que le midi. A quatorze heures trente, les architectes nous
attendaient et l'appréhension était grande d'un clash tant nous avions
de choses à revoir du projet d'un éco-pôle au travail depuis deux
années. Chacun a posé sur la table ses mises en questions et la
confiance est revenue. Et j'en ressens...
Il n'était que dix huit heures. Avant de se quitter, Frédéric me demande
si j'ai cinq minutes. J'arrête le moteur pour l'écouter.
« Tu te souviens du 11 septembre 2001? » Comment ne pas !
Il suit ce dossier depuis trois ans me dit-il. Un dossier, quel dossier?
Ce ne seraient pas les avions qui ont fait s'effondrer les trois tours, les twin towers et celle de la CIA.
C'est quoi cette blague?
Il y a des faits troublants.
D'abord le temps de réaction de GW Busch à l'écoute de l'information. On
pourrait comprendre un temps de sidération entre trente secondes et une
minute, grand maximum. Mais plusieurs minutes!A-t-il été vraiment surpris?
Par ailleurs, le week end avant l'attentat, une des tours a été fermée pour
cause de travaux. Des témoins y ont vu pénétrer du personnel avec du
matériel électrique. Dans l'autre tour, un étage est resté inoccupé
pendant six mois. On y entendait quand même du bruit de travaux sans
qu'on y ait vu quelqu'un: un accès y était possible à la colonne
vertébrale métallique de l'immeuble.
Avant l'impact de l'avion sur une des tours, un concierge a entendu plusieurs explosions dans les sous-sols.
Une analyse scientifique a mis à jour la présence dans les décombres d'un
explosif, le ou la « termite »(?), ayant la propriété de dissoudre le
métal. Alors que selon les experts, on ne peut pas donner foi à
l'explication de l'effondrement à cause de la combustion du kérosène.
D'autres experts affirment au vu des images qu'il s'agit d'un effondrement de destruction programmée tel qu'on le pratique pour de vieux immeubles.
L'émiettement des matériaux est un élément supplémentaire confortant
cette hypothèse.
Moins de six heures après l'attentat, on faisait s'écrouler de la même
manière la tour de la CIA, officiellement parce qu'elle aurait été
fragilisée. Pour les experts encore, il est impossible de réaliser la
préparation d'un tel travail de destruction en six heures.
La semaine qui a précédé, les sociétés logeant dans les tours auraient été invitées à sécuriser leurs données. Le jour même, des personnalités importantes auraient reçu la consigne de ne pas prendre l'avion et les escadrilles assurant la surveillance du territoire se trouvaient toutes en alerte loin des lieux de l'attentat.
Et puis comment un pays aussi préoccupé de la surveillance de ses
frontières a-t-il pu passer à côté de l'entrée des terroristes et de
leur formation au pilotage? Comment a-t-il pu ne pas prendre en compte
les informations qu'il avait.
Alors l'idée est née d'une utilisation par l'extrême droite américaine, les
«vautours », tel D Rumsfeld, de la prévision des attentats pour en faire
un impact le plus traumatisant possible, comme un Pearl Harbour, de
manière à justifier dans l'opinion d'une intervention en Afghanistan, de manière à prouver si besoin était la capacité des USA à rester les gendarmes du monde.
Il paraît que de toute façon ces tours montraient des signes de
vieillissement et qu'il aurait fallu les détruire.
Dernier point: aucune enquête criminelle n'a été engagée. Seulement une
commission parlementaire. Et les déchets ont très vite été évacués loin
ailleurs...
Je ressentirais de la joie à pouvoir fouiller cette enquête. Et rien ne
m'étonne de ce pouvoir américain capable de mentir avec autant d'aplomb
sur les armes massives de l'Irak pour en justifier l'invasion.
Mais la journée n'est pas finie! W G Sebald l'a couronnée. Cet auteur
allemand me fascine. J'ai déjà répété mon admiration du chant (un lied)
de sa langue écrite. Ce soir-là, comme un élan pulsionnel m'amène à
rechercher des éléments de biographie et je constate qu'il a été
professeur de littérature à l'université de Norwich, dans l'est de
l'Angleterre.
C'est à dire dans la région où je suis allé début avril! Et j'y ai parcouru
et regardé les paysages qu'il aimait observer et où il est mort d'un
accident cardiaque et de voiture...Mon amie britannique Victoria, qui
le connaît et m'accompagnait comme interprète, est originaire de ce
comté. Pourquoi ne m'en a-t-elle pas parlé? Le savait-elle? Elle a
peut-être pensé, sachant mon intérêt pour cet auteur, que je le savais aussi.
Eh bien, comme le paysan sait ce qu'il doit faire quand il met
le nez dehors chaque matin et se rend présent et ouvert à l'air du
temps, je sais ce qu'il me reste à faire à l'égard de W.G.Sebald: aller
davantage à sa rencontre.
Il ne s'est pas mal débrouillé ces derniers temps pour venir à la mienne. Qui sait, mais je crois le savoir, la belle aventure que cela présage.
Encore un mail à Victoria et je crois que mon jour « cent » peut laisser sa
place au sommeil. Peut-être les rêves seront dans le même élan.