Y aura t-il enfin ce matin ?

Après le noir, le grand soir, le dernier,
y aura-t-il enfin ce matin sans pareil
où mon corps apesant, léger comme un soupir
flotterait dans l'aurore au-dessus des champs d'ors?
Les blés blonds danseraient dans la brise marine
en vagues d'épis souples entraînant bleuets et pavots,
je les caresserais de mes mains diaphanes
je les caresserais, qu'ils chuchotent encore...

Et les hommes?
Les hommes me sont loin, ils couvent leurs chimères
fratricides, rentables et éphémères.

Je suivrais les oiseaux dans leurs jeux de voltige,
sans effort, sans douleur, je m'enivrerais de piqués en loopings.
Je regarderais le soleil en face
et la terre lentement s'agenouiller éblouie.

Et les hommes, et les hommes?
Ils courent, remplissent leur vide à vider la mer,
ils errent,
ne savent pas ce qu'ils cherchent
et accroissent leur ignorance à croire la combler...

J'irais écouter les sables du désert,
contempler leur mouvance ocre, rouge et brune
et brûler de leur soif indolore.
Du haut des pics torturés, figés dans leurs haillons de neige,
je plongerais dans les lacs indigos et lisses.
Par le creux du volcan, je sonderais les laves,
j'éprouverais le feu jusqu'au magma originel
où vit bouillant le mystère des étoiles.

Et les hommes?
Quand ils sauront lâcher leurs peurs et vouloir vivre ensemble,
envisager la différence comme richesse,
l'émotion comme puissance et la monnaie comme monnaie...

D'un battement de cils, je comblerais les années lumière
afin d'explorer toutes les galaxies.
S'il existe encore de l'inconnu au fond des océans,
j'y serais d'un claquement de doigts,
et quand personne aujourd'hui ne peut plus embrasser l'ensemble
des tenants et aboutissants de la connaissance,
j'aurais la conscience du Tout!
Je serais Dieu?
Est-ce possible, crois-tu, ce matin-là,
où le Tout naîtrait du rien?

Images bien développées...tu les vois sans attendre le grand soir, tout comme je les vois en rêve.

Je n'aime pas trop : " les tenants et les aboutissants"...enfin c'est peu pour l'ensemble d'un long poème.

En écho, je vais mettre un court poème écrit suite à un réve où je voyais un homme planer au-dessus de la terre, je ressentais que le ciel était possible sur terre par la serrure (le filtre ? )qu'est l'homme, que Dieu sur terre ne peut passer que par l'homme...bien sûr au réveil il a fallu que j'y intègre la femme ; petit aménagement perso., tout féministe !
Aucune théorie, aucune croyance, juste un rêve noté poétiqueement !

Je suis du voyage, sans l'ombre d'une hésitation!

Du très grand. Un souffle puissant. Je me laisse volontiers emporter dans ce voyage avec toi (presque) sans réserve.
Comme Garance, je ne suis pas enthousiasmée par "les tenants et les aboutissants", je verrais bien quelque chose comme : "l'alpha et l'omega de la connaissance".
Ah, et puis les "blés blonds", un peu convenue comme image.
Mais c'est un texte que je garderai précieusement, pour cette immense lucidité et cet espoir, et pour sa beauté, tout simplement.

Quel magnifique voyage, lâcher-prise... je ne sais comment le qualifier. J'ai renoncé à intellectualiser ma lecture, j'ai été emportée, alors je ne peux que commenter le... tout. Et ce fut un très grand plaisir ! Merci.

merci à vous.
Vos remarques me sont toujours utiles...je vais réfléchir à des alternatives.
Constance: alpha et oméga me rappellent trop les années embrigadées sur des chemins dogmatiques...
je suis d'accord avec toi, je me suis laissé séduire par "les blés blonds" parce qu'ils font une drôle de musique dans la bouche, mais ils sont aussi un peu surannés.

Je les aime bien, moi, tes blés blonds

Farouche a écrit:

Je les aime bien, moi, tes blés blonds

c'est vrai que dans des oreilles parisiennes, ça ne sonne pas pareil que dans les oreilles sudistes...

quel souffle!
merci, m'sieur!
mi

Il me semble avoir lu quelque part que Dieu avait fait l'homme à son image...Il ne me semble pas fou de se prendre pour lui. Chaque nouveau matin pour moi aurait la chevelure des blés blonds et des yeux bleus...Compliments. LOUP.