L’été au ciel laiteux s’alourdit de chaleur
Et le village est plomb, lové dans sa torpeur,
Seuls les oiseaux sont vifs, cherchant leur nourriture,
Ils piaillent, crissent, croassent sans rupture
Et les insectes fous zigzaguent vrombissants.
La rêverie s’installe
Le tilleul s’évapore en parfums délicieux,
Le souvenir surgit d’autres décors très vieux
Quand les chevaux tiraient leurs charrettes sonnantes
Et bleues de paille d’or sur les pavés du Nord,
Et la batteuse au loin s’essoufflait ahannante…
Les souvenirs affluent
Plus tard je vois la dune où le sable collant
Transformait nos dos nus en toiles d’émeri
Nos cent roulés-boulés nous donnaient le tournis
Et nous courions joyeux jusqu’à l’eau, titubant,
Nous jeter dans la vague aux éclats écumants.
Les émotions s’emballent
Dans les champs de Van Gogh les faucheurs font la sieste
A l’ombre de la meule où le soleil s’appuie,
Le cal aux mains, le dos, le muscle endoloris
J’ai partagé leur peine en des plaines agrestes
Gerbant le foin en botte aux granges rebondies,
Le front en sue encore,
Dans les blés presque mûrs et près de ce bouquet
D’ormes au port dressé, nous avons fait le mur
Aux convenances et nous nous sommes aimé,
Le vent dans les épis nous fut un doux murmure,
Les coquelicots noirs, l’annonce de la nuit…
Toujours mon cœur saigne,
L’été au ciel d’étain voit monter son orage
Et le village tremble aux frissons des risées,
Les oiseaux se sont tu, un grondement épais
Presse le paysan de rentrer ses fourrages,
Va le bonheur qui passe et le temps se défait,
Il est temps de rentrer.