Dis, combien de mots

Gardien de la foi Nombre de messages : 211 Date d'inscription : 29/11/2009

Dis, combien de mots échoués en mes phrases,
de mots évadés et rapiécés d’ombre et de lumière,
pour dire la vie, son immense tragédie, où s’égarent
les vents fatigués de nos habiles errances,
où les absences émergent de nos silences,
combien de mots, quand s’attardent les mots,
abreuvant mes insomnies au masque blême
d’une lune pâle où se perd mon regard,
combien de mots pour dire la chose,
qu’ils soient dits en vers ou en prose,
qu’ils viennent du cœur ou de l’âme.
Dis, combien de mots pour que résonne
ce souffle divin et étrange en moi,
qu’il pénètre, habile sous mon front,
sans que lèvres ne s’entrouvrent aux fuites
d’un murmure mêlant aux ombres orphelines
les lamentations brumeuses d’un encensoir.
Combien de mots pour combler le vide
où s’affrontent sans relâche les lueurs stériles
d’un horizon obscur et sans promesse,
combien de mots pour dire les vertiges
qui m’envahissent, et cet affreux visage
qui, peint par la solitude, m’obsède.
Combien de mots, de points, de virgules,
pour lasser ma plume sur le grimoire,
combien, dis, combien de jours abstraits
affamant mes douleurs, les rendant
plus familières, combien, combien
de mots sans rivage, scellés à mon encre,
iront remplis de silence et de mémoire
dans ce désastre infécond et immobile,
quand l’aube se fera farouche et désespérée,
quand l’ombre et la lumière ne feront plus qu’un
et que sous votre front, comme un passant
miséreux, je serai ce voyageur des ténèbres.

Maître Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008

Beaucoup de force ici. On plonge dans ce vortex ténébreux.
Curieux : si un homme me disait de tels mots, j'aurais envie de poser ma main sur sa bouche et de le prendre dans mes bras. (ceci dit en tout bien tout honneur)
Très beau, touchant.

Gardien de la foi Nombre de messages : 211 Date d'inscription : 29/11/2009

Merci Lucaerne, je l’ai écrit très vite comme la plupart
de mes textes. Tout chez moi est instinctif et j’ai l’impression que si je
travaillais trop mes textes ils ne m’appartiendraient plus. Ils m’échapperaient
pour ne plus appartenir à la pensée profonde qui est en chacun de nous.

Amitiés
Thierry

Prophète Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007

J'aime beaucoup ce flot tumultueux de mots, comme Lulu je les trouve forts et touchants...
Très belle, et dérangeante cette petite musique intime.

très sombre

Maître Nombre de messages : 1359 Date d'inscription : 04/02/2009

Des mots qui cernent l'angoisse, la scellant dans un écrin-poème, mais tout autour de ce noyau existe un espace...à explorer.
Merci pour ce bijou, même s'il et sombre, il n'est pas démoralisant.

Maître Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007

Des mots sans rivage qui déferlent.
Un texte qui me touche. Sombre? Pas tant, un ressenti...

Il m’est venu la folle idée de retravailler ton texte, un très beau texte, très intéressant. Et je l’ai fait mais quand j’ai lu …

Thierry Demercastel a écrit:: (...)
je l’ai écrit très vite comme la plupart
de mes textes. Tout chez moi est instinctif et j’ai l’impression que si je
travaillais trop mes textes ils ne m’appartiendraient plus. Ils m’échapperaient
pour ne plus appartenir à la pensée profonde qui est en chacun de nous.
(...)

… j’ai renoncé.
Tu as peut-être raison que le texte après une retouche déforme la pensée profonde mais on peut se poser une question élémentaire : qu’est-ce qui est le plus important - la forme ou le contenu.
Une question qui revient sans cesse… Peut-être faut-il un équilibre ?
Pour ce qui concerne l’appartenance – je pense qu’un poème cesse d’appartenir à l’auteur du moment que le lecteur entre en sa possession et l’interprète pour lui. D’où la question « que voulait dire l’auteur » n’a plus de valeur. L’important c’est ce que lecteur a lu, lui. Et on en revient à la forme…
Bon, je suis sortie avec mon com du chemin – mes excuses.
Cordialement Solweig

Gardien de la foi Nombre de messages : 211 Date d'inscription : 29/11/2009

Je pense que chacun a sa façon de s’approprier un
texte, tout dépend de son propre vécu, l’état d’esprit dans lequel on se trouve
au moment de la lecture . Je suis d’accord quand un texte vous échappe par le
net, qu’il ne nous appartient plus, mais il reste une locomotive pour celui qui
le reçoit, pour construire en lui la pensée. La forme que dire ? Déjà je
pense que si un texte vous parle sur le contenu la forme a des chances d’être
acceptable. En réalité je me préoccupe très peu de la forme étant un véritable
autodidacte, je me laisse guider par mon instinct et l’amour des mots, toujours
avec le souci d’être le plus vrai possible, sinon le fait d’écrire pour
moi, n’aurait plus aucun sens.

Merci Solweig.

Maître Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008

Je crois qu'on peut avoir un savoir-faire naturel pour la forme. Une oreille musicale. Le sens inné du rythme. Le sens des sonorités. La forme sera donc "travaillée", mais de manière inconsciente.

De toute façon, forme ou pas, un texte est forcément interprété par le lecteur et son vécu.

Je m'associe volontiers aux avis émis d'autant que je travaille aussi de façon instinctive et les quelques textes de ma facture sont bruts de fonderie et sont à peine ébarbés. J'aime les textes qui naissent armés et cuirassés. Mille compliments. LOUP.

Mais quand j’ai dit « la forme » c’est un tout ! Surtout notre rapport avec le mot, car le mot
peut nous échapper, se déguiser, glisser. Le rythme, la sonorité, la façon dont
on lie les mots, le jeu de cache-cache avec le sens (l’idée peut venir plus
tard), dévoiler que la moitié, introduire le mystère, le suspense… un tout. Je
ne parle pas de la forme classique, de la métrique (je la connais peu et je ne
cherche pas à connaitre). Je suis autodidacte comme vous ! Je voulais
juste dire que le poème ne nous échappe pas si l’on s’occupe un peu plus de lui,
pas du tout ! La spontanéité est un très bon ressort d’inspiration.

Je suis étonnée juste quand j’entends que on ne veut pas
toucher, retoucher, s’approcher plus, câliner son poème.
Il ne peut rien perdre - au contraire – il PEUT en gagner beaucoup.
Sauf si on a vraiment un génie qui somnole en nous.

Voilà mes trois sous –ai-je tort ?
Cordialement Solweig

Maître Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008

Solweig a écrit:: Je suis étonnée juste quand j’entends que on ne veut pas toucher, retoucher, s’approcher plus, câliner son poème. Il ne peut rien perdre - au contraire – il PEUT en gagner beaucoup.

Je suis d'accord, surtout que ce peut être un vrai plaisir et non une contrainte. Mais chacun a sa manière d'écrire, et sortir quelque chose comme ça, brut de décoffrage, peut aussi avoir son une vraie force.
Ce que j'aime dans tout ça, en fait, c'est la diversité.

Guide Nombre de messages : 600 Age : 61 Date d'inscription : 23/11/2009

Un texte sensible comme à ton habitude et intime, comme des mots que l'on ressasse sans arrêt dans la tête.

Guide Nombre de messages : 586 Date d'inscription : 09/08/2007

Ah, j'aime ! J'aime parce qu'on dirait un flot qu'on pourrait déverser comme une marée, à cru sous la rampe, visage torturé et coeur en débordements. J'ai des envies comme ça d'avalanches.