De profundis

La mer retrouve toujours la profondeur
des creux de nos âmes
et s'y engouffre
à la verticale de nos immobilités.
Le sel de nos plaies
peut alors promener ses ombres liquides
au vent brûlant de nos insuffisances.

Quant au feu,
il s'élève toujours au dessus de nos âmes,
et y entraîne la verticalité
de nos insouciantes passions.
Nos plaies bouillonnantes
et calcinées
peuvent alors se laisser dissoudre
par les flots glacés
de notre indéfectible prétention.

Et nos âmes
ont cette fois choisi forme et matière,
parfois jusqu'au très bas,
mais toujours dans la reconnaissance ultime
de la perfection de ce qui est.
Les plaies déclives
pourraient rompre le cycle des centres
et regarder en face
la dissolution de l'effroi.

Dans l'imperfection
inhérente à la perfection
de ce qui est,
la matière parfois s'égare
et engendre elle-même son propre chaos.
Dirons-nous qu'elle trahit l'âme,
ou qu'elle n'en est que le docile instrument ?

Je te retrouve tout entier dans ces mots, et dans cette interrogation finale.
J'aime beaucoup la construction symétrique des deux premières strophes, reprenant la thématique de élèments. Un léger regret sur la répétition "verticale" et "verticalité" ("le vent brûlant", aussi, s'pas ?). Peut-être as-tu voulu cette répétition ?
J'aime beaucoup ceci : "Et nos âmes
ont cette fois choisi forme et matière,
parfois jusqu'au très bas".
Inutile de dire que je suis sensible à la force de ce questionnement et de ces mots.

tu as une façon de poser les questions, solennellement poétique et profonde.
Je crains que la réponse, non, j'aimerais que la réponse qui pour moi est affirmative, sans détour, secoue de manière définitive nos trahisons à la grandeur d'âme.

Mention plus pour la dernière strophe.

Je ne crois pas que ce soit la matière qui trahisse l'âme, mais l'âme qui se trahit elle même en se laissant engluer dans la matière.

Le chaos est bien là!

Oui Constance, j'ai voulu évoquer la verticalité dans les deux strophes dont l'une est le pendant opposé de l'autre, les deux avec en commun un "tuteur" érigé vers le haut, en quelque sorte. Si tu as une formule qui m'évite la redondance, je serais éventuellement preneur.

Quant à Gého et Morgane, vous n'êtes donc pas d'accord... Bien ça...

Merci.

je vais préciser ma pensée car je crois que Morgane et moi ne parlons pas de la même chose.
Je pense que la matière et la nature réagissent, un peu comme la maladie pour les corps, au fait que nous laissions aller nos âmes à l'idolâtrie de la matérialité plutôt qu'à l'élévation de notre spiritualité(par l'exploitation créative et sublimante de nos émotions en particulier).
En ce sens, la matière se fait l'instrument de ce que nous lui montrons.
Donc, tu le vois je suis d'accord avec Morgane.

Hummmph, je vais réfléchir... j'aurai peut-être 5 minutes de libre ce week-end...

Oui je suis sensible aussi à la dernière strophe, à ces questionnements qui invitent à réfléchir sur nous-mêmes, de quoi sommes-nous fait, cette dialectique âme / matière..
Tout à fait d'accord avec Morgane et Geho
J'ai un peu de mal avec cette association, voire cet oxymore
"insouciantes passions"
Je ne saurais expliquer, il me faudra plusieurs lectures

Poème éminement fort et puissant

Très bien construit

La répétition sur la verticalité de me dérange pas bien au contraire

J'aime ce sentiment de passage, de cheminement du mot vertical à celui de verticalité comme figé par l'immobilité.

Comme Vestale "Insouciantes passions" me pose question quant à son utilité dans ce poème

"Insouciantes passions" est le pendant des "immobilités", son opposé, comme le feu s'oppose à la mer. Les passions nous brûlent, et comme le feu, ont ce côté sauvagement aléatoire, imprévisible, libre, bref insouciant.
D'autre part une résonance s'établit avec "l'indéfectible prétention" qui termine la strophe.

Merci de ces avis.

merci de ces précisions qui me font avancer


encore merci pour ce beau poème

On ne l'a pas dit de la même façon, mais oui, Geho, on est d'accord.
Les "passions insouciantes" ne me gênent pas, et je n'y vois pas d'oxymore, la passion ne se soucie pas de l'avenir, mais d'elle même sur l'instant.

Pour éviter la redondance "verticale/ verticalité", tu pourrais essayer: Longitude ou "ordonnée" dans le sens de repère géométrique, à la place de "verticale" parce que je ne pense pas qu'il faille toucher à "verticalité" qui correspond trés bien à ce que tu veux exprimer.
Ce n'est qu'une suggestion...

Entre le chaud et le froid, l'immobilisme et l'effervescence, un poème à la construction et au verbe puissants. (facile à dire après tous ces com. !)
Verticale et verticalité ne me dérangent pas.
Je vois ce que tu entends par "insouciantes passions", mais dur de trouver un autre qualificatif ( désordonnées, incontrôlables, débridées, inconséquentes, incohérentes,incoercibles...), puisque l'homme les vit pleinement sans se soucier des conséquences.
Je trouve que souvent notre mental nous joue des tours, la matière n'a cessé d'être dénigrée, notre regard sur elle seul peut l'élever. Même au plus bas le corps est le seul outil qui nous permet d'exister, à tous les stades, quelles que soient nos expériences de vie nous devrions le reconnaître et l'aimer. Les erreurs, les bassesses, et j'en passe... sont signes de vie...la perfection qui n'aurait plus rien à nous apprendre est le contraire de la vie. [ je m'éloigne de ton poème, mais c'est le sujet même de ton poème qui me fait digresser]

Merci Garance, il ne me semble pas que tu t'éloignes de mon texte, au contraire.

Pour la redondance verticale/verticalité, je pense que je vais garder ainsi.

Le clivage matière/esprit, comme les concepts d'espace-temps, de subjectivité dans l'observation de la réalité, de panthéisme et de l'ouverture quantique seront les thèmes principaux de mon deuxième recueil intitulé "Ici et maintenant" déjà entamé ici (voir ma page perso).
De Profundis en sera assurément l'un des points forts.

De même que le texte Des Illusions avait servi de préambule au premier, "Éloge de la limite", le second sera ouvert par les Dialogues Maître-Disciple.
D'ailleurs, je m'aperçois que je n'ai jamais posté ici Des Illusions, ce que je fais de ce pas.

L'âme, la matière, la forme, le chaos, l'élévation, le spirituel vs le matérialisme, bref, débats ouverts depuis tant de temps, et tant de dissonances et de désaccords des parties, qui se tuent à défendre l'une et l'autre des idées, alors que chacun sait, n'est-ce pas, qu'il est absurde de croire que la chose prévaut sur l'esprit, non ?

Le recours à la matière n'est que la possibilité d'une illusion, c'est un désespoir qui permet d'échapper paradoxalement à un désespoir plus fort. Quiconque sait qu'il est terrifiant parfois, de s'asseoir sur une chaise, regarder loin, delà le monde réel, ce qui fait Nous, ce qui fait le lien entre l'esprit et le corps, et de penser le monde autrement que par l'acquisition et la possession même.