Lorsque je suis née, notre tribu était paisible Et si cachée au regard.
Quelques années plus tard
La révolte des voix fières éclata
On venait tout juste de briser la glace de revendiquer sa place en tamazight refusée
Les premiers corps sacrifiés des plus sauvages jonchaient tous les replis des rues après chaque canonnade proche.
On nous regardait avec crainte et moquerie usant tous les subterfuges pour nous décimer de l’humanité : émiettés par elle.
Partout la haine de l’amazighité.
Fuyante, délicieuse et mortelle.
Une de ces nuits de neige quand disparurent les vainqueurs lassés de tout.
J’étais seulement à fredonner en tamazight
Des syllabes de défi pour contenir le froid.
Ma mère qui tremblait me porta jusqu’au grenier pour me faire taire.
Ensuite elle s’envola sans bruit avec la grâce d’une déesse.
Elle avait une robe de dentelles
Qui faisait aux épaules des ailes
Il faisait froid, humide et sombre
comme dans un conte
Il y avait une porte lourde frappée d’interdit et derrière le silence étalé.
Quand je l’ouvris les souris aux cils d’averse me mordaient les jambes
La maison répétait les derniers murmures des morts qu’on y avait pendus à des colliers tressés de serpents dressés
Mes frères d’orgie qui ne sont pas mort, qui n’ont pas vécu je pouvais les toucher ils sont encore chauds
Quelle merveille qu’ils baillent et respirent à peine.
A un moment quelqu’un a éternué et son dentier est tombé sur mon corps étendu et effleura de son bec la pierre indomptable qui sent la peur
Cela dura quelques instants.
Puis plus rien.
Je le ramassais alors brusquement et un jet de sang gicla dans ma main
C’est la dernière fois
Mes parents dans leurs bulles tels des rêveurs s’étreignaient
Comme dans les films d’adolescents
La cloche des perdus était devenue folle
et mon père qui ne dormait pas dissipait sa tristesse en comptant ses mouvements.
Sans être certains du lendemain nous nous interrogions sans fin.
On voulait tout savoir
Du vent adverse
Du retour des ténèbres
Si nous avions un grain de chance.
Sans ne rien voir, sans pouvoir agir on priait et s’y attardait en chiens de faïence sur la glace
Pour attendre l’aube
On était surpris, que tôt ils sont venus nous arrêter
J’étais à table avec mon père mort, nous buvions un café et on était prêt comme suspendus par la vie.
Quelle importance
maintenant que tous les miens sont morts
On s’en fou de l’avenir dont on attend vivre on sait tout et puis n’en parlons plus
Il n’y aura jamais d’amazighité que des dialectes des petits débris à l’image des morceaux de moi qui écris qui n’existe pas
Qu’ils nous conduisent ou bon leur semble