Quelques temps plus tard, alors que la nuit avait posé son croissant de lune sur le pignon de la plus haute tour du palais, composant ainsi une baguette magique de bonne augure, la princesse se rendit à la cabane. Angelot ne fut pas surpris, il l’attendait. Ils étaient saisis par le même sentiment amoureux. Leur jeunesse leur ouvrait grand les portes des rêves, des rêves possibles dans la réalité de leur vie. Ils en étaient sûrs, ils pourraient s’aimer malgré leur différence de classe.
Avant de partir rejoindre son appartement la Princesse confia au jeune homme un anneau d’or :
- Cette bague je te la donne en gage de mon amour. Je n’épouserai personne d’autre que toi.
Fais- moi confiance. Je parviendrai à convaincre mon père.
Le Roi était un père très aimant, il voyait encore sa fille comme une enfant, il n’était absolument pas prêt à la voir convoler.
La princesse savait que convaincre son père serait difficile, mais elle comptait bien user de tous les stratagèmes que connaissent les petites filles un brin capricieuses pour venir à bout des résistances de leur père.
Dès le lendemain, le roi dut quotidiennement affronter les demandes insistantes de sa fille ;
elle exigeait que pour elle on organise l’audition des prétendants au mariage.
Elle cajola son père, elle le supplia, elle se mit en colère, elle bouda, elle pleura,…le roi ne put résister longtemps, il capitula et, comme il était de coutume, il donna l’ordre de faire fondre une orange d’or.
Il convoqua ensuite tous les jeunes gens des riches familles du royaume afin qu’ils défilent devant sa fille.
Ainsi put se dérouler la parade des prétendants.
Une estrade avait été montée dans la cour, la princesse y était assise sur un trône, l’orange posée sur un guéridon devant elle.
Avec une attention feinte elle regardait les prétendants qui se succédaient.
Le roi, caché derrière une tenture, crut plusieurs fois que sa fille allait offrir l’orange à un jeune homme particulièrement beau et élégant.
C’était le geste attendu, le geste par lequel la princesse allait désigner l’élu de son cœur.
L’orange ne bougea pas de la table.
On fit défiler les ouvriers ; l’orange ne bougea pas.
On fit défiler les paysans ; l’orange ne bougea pas.
Personne ne convenait à la Princesse.
On signala alors au roi que ne restait dans tout le royaume qu’un pauvre étranger qui n’avait pas de famille, pas de nom.
- Qu’il se présente devant ma fille ! dit le roi qui croyait toute menace de mariage écartée. Il voyait déjà la Princesse revenir au palais à son bras.
Son espoir fut de courte durée. Le roi blêmit lorsqu’il vit la princesse tendre son orange au jeune homme.
Une exclamation de protestation s’éleva des rangs des courtisans :
- C’est une erreur, l’orange a échappé des mains de la Princesse, il faut recommencer le défilé !
Le défilé des prétendants fut reconduit. Tous les candidats se présentèrent à nouveau, une fois, deux fois, trois fois…et à chaque passage, la Princesse offrait l’orange à Angelot, toujours à Angelot.
Le doute n’était plus possible ; la Princesse désignait aux yeux de tous l’homme qu’elle aimait.
Le roi se sentit humilié, non seulement devant les habitants de son royaume, mais devant la Terre entière. Il était très malheureux car il ne comprenait rien à la situation, alors, pour la
première fois depuis la naissance de sa fille il se mit en colère :
- Tu me déshonores ! Vas au Diable ! Disparais de ma vue ! Pars avec ce misérable et ne reviens plus !
Sans dire un mot, la Princesse descendit de l’estrade, prit la main d’Angelot et avec lui se dirigea…vers la cabane du Parc.