Insomnie
La nuit, encore la nuit sur un jour inutile. Des frissons tango du coeur à la tête, deux hoquets en avant, une larme en arrière. La solitude prend froid. L'absence est grise sous les stratus au crachin morbide. Je
marchais comme toujours, mi-errant, mi-berger, quand ta lumière a croisé mon chemin : « je veux la porter haut avec toi, si tu l'acceptes », t'ai-je dit. Joie prématurée, vaine. Plus je touche et moins j'atteins. Je me suis tourné vers d'autres fleurs craquantes à croquer. Mais si ternes face au coquelicot violaçant que je veux enlacer, mon pétale chiffonné, mon étamine en deuil. Me dirais-tu : « tes cheveux me détournent d'un regain de jeunesse ». Je te répondrais : « les cheveux font l'âge, non la jeunesse, et que fais-tu des sentiments, des attentions, de la tendresse et des partages ? Ton soleil éteint, tu deviens l'astre et sa course est réglée vers le soir inéluctable. Je te laisserai le temps du passage, de la
fermeture des blessures profondes. Il n'y a pas d'urgence au désir, elle est aux soins des serments trahis...Serments trahis ? Pléonasme. Dire « peut-être » désormais, jamais « toujours », jamais « jamais ». Puisse ma souffrance effacer les tiennes, en vases solidaires. Souffrir si cela te sauve et me sauve de n'avoir pas su, d'autres fois. L'espoir est là, et l'exigence. Dans ma salle aux pas perdus, les quatuors de Schubert ou Kathleen Ferrier sublimant « Le chant de la terre ». Cela et la jouissance de la main qui
saisit au vol l'émotion d'une pose. Cela et le spectacle des mésanges picorant enjouées les fleurs du cerisier, une nuit d'amour ne les remplace pas.. » Puis je pleure en secret, attends l'agitation d'une autre semaine...Ils chantent avec l'accordéon : « on ne peut vivre sans tendresse ».
Les chansons mentent.