Morelle
Elle parle et je la regarde. Devant, le pommier meurtri reprend vie. Ses mots sont ses fleurs qui disent la
renaissance et les promesses.
Ses fleurs sont ses mots, j'en brasse le bouquet mauve et vivant, sans l'espoir d'un fruit à croquer.
Elle parle et je l'épie : des chemins de larmes aux fossettes ascètes, de ses perles fauves douces, parfois rembrunies, à ses doigts noueux volontaires battant une musique en saccades.
Oiseau, elle serait faucon, un peu crécerelle lui ai-je dit taquin, et fleur : digitale, belle élevée sur terre acide et mortelle aux coeurs accro.
Je lui ai conté l'histoire du pommier qui marche figeant le destin d'un voleur de poules en fuite et celle d'un coeur qui bat à se rompre.
Pourquoi diable préférer ses soeurs ? J'en hais ceux qui l'ont méprisée fille. Je connais les noms, je connais tout d'elle...
Demain, je halerais ma détresse sur le bord du long canal entre l'écluse de Macaire et le port
de Guipry, et de Messac à Redon si l'amer résiste.
Il y aura des fleurs qui ne diront rien, sinon la douce-amère. Les arbres touffus se satisferont
de bruire au vent d'est, le moins amène et le héron de se tordre le cou, confus, planté sur ses cannes sèches et rivé à l'arbre couché dans l'eau.
Après le retour, au rythme du goutte à goutte de ce robinet au joint trop maltraité, reprendra le supplice de l'absence et de la nuit abusive d'un dimanche de trop sans muguet.