LE CERCLE Forum littéraire |
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| Du noir autour des yeux 2 | |
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epiphyte Gardien de la foi
Nombre de messages : 200 Age : 48 Date d'inscription : 10/07/2007
| Sujet: Du noir autour des yeux 2 Mar 11 Sep - 0:33 | |
| Myriam a mis la petite robe à fleurs, elle voudrait se fondre à la saison au regard des autres, elle pourra se fondre à ses souvenirs. Franck aime bien la petite robe à fleurs quand elle la porte sans soutien-gorge. Tes petits seins c’est comme deux petites fleurs en plus il lui a dit. Elle a souri, mais où sont mes clopes je les trouve pas dans tout ce bordel, détourner l’attention pour effacer le rouge à ses pommettes. Fleurir au printemps, rien de plus normal. Pas de soutien-gorge, pas de culotte, ceux qui ne la traiteront pas de salope auront tort, pourtant c’est banal. Tu vas plus vite si tu dois pisser, en plein air c’est plus pratique, et dans les chiottes crade ça permet de ne pas s’éterniser, la merde est tellement enivrante si l’on n’y prend pas garde. La merde des autres qui nous ressemble.
La vraie salope c’est celle qui laisse déborder son string selon Franck. Quand on ne porte qu’un si mince filet de tissu, c’est un comble de ne pas arriver à le dissimuler. De la provocation pubertaire, rien d’autre. Pourtant il a fini par admettre qu’une salope ça n’existe pas, un mot de trop dans la bouche des crétins. Franck sait qu’il est un crétin, c’est ce qui le place au-dessus, Myriam le croit sans doute. Provocation pubertaire ou non, un string qui déborde c’est excitant, pas seulement pour les crétins.
Et pas de culotte ça t’excite ? Oui, bien sûr. Mais l’excitation ça suffit pas pour bander, désolé pour cette fois. Pas grave, Myriam ne le fait pas pour ça. Non, ça lui arrive d’en mettre, ça dépend des jours, ça dépend de l’humeur, ça dépend du temps qu’il fait, souvent c’est le bulletin météo qui décide pour elle. C’est pas seulement pratique, c’est aussi plaisant de sentir le souffle léger du vent se faufiler au mieux entre ses cuisses. C’est rassurant, savoir quelque chose que les autres ignorent. Sur un trottoir, dans une rame de métro, à une table de restaurant. Des mains baladeuses qui cherchent les salopes et ne les trouvent jamais. Les salopes, ça n’existe pas, on ne va pas revenir là-dessus. Ou peut-être sa nouvelle copine, quand même, l’exception qui confirme la règle, les nichons qui débordent des cartes postales.
Pas de culotte seulement pour soi, c’est comme le maquillage, pas besoin de se justifier. Oui ça lui plait, pas tous les jours mais oui, ça l’excite aussi parfois, et eux qui ne savent pas mais Franck qui sait maintenant. Ca y est, il bande. Suffisait d’en parler un peu, le pouvoir des mots c’est quelque chose, non ? Montre-moi.
Est-ce qu’elle va lui demander comme ça de vérifier chaque érection ? Ca ne va pas être possible, il ne va pas se défroquer n’importe où, sur le trottoir, dans le métro, au restaurant, ça la foutrait mal tu crois pas ? Et alors ? Montre-moi, je veux voir.
C’est elle qui lui a baissé son froc. Elle regarde. Elle sourit. Elle aime ça, comme si pour une fois elle pouvait contrôler quelque chose. A partir de maintenant je veux plus que tu bandes pour les autres. Moi je t’exciterai. Tu auras le droit de savoir tout ce que tu veux, je répondrai à toutes tes questions du moment que les réponses te feront bander. Et si je veux que les autres voient que tu bandes pour moi, pour moi seule, alors tu leur montreras.
La semaine suivante chez Nico, Franck était affalé sur la moquette quand elle s’est penchée devant lui. La petite robe à fleurs s’est soulevée, juste un peu, juste pour lui qu’il puisse savoir. Chez Nico les chiottes ne sont jamais bien propres, personne n’aime s’y attarder à moins d’un mauvais retour de bière. Elle s’est tournée vers lui, l’a fixé de ses grands yeux cernés de noir, imperceptiblement son bassin ondulait. Les autres aussi suivaient vaguement la musique, tout le monde a droit à son quart d’heure de danse. Une danse juste pour lui et son sexe qui déjà ondulait aussi. Les autres s’en foutaient, chacun dans son délire de soirée commune, mais ils étaient là et Myriam aurait voulu leur montrer que Franck bandait pour elle. Leur Franck, supérieur, différent. Leur admirable Franck et ses idées toutes faites sur les salopes. Il n’a pas voulu. Montre-moi, il n’a pas voulu. Allez, s’il te plait mais non.
Des idées toutes faites et pas de carte postale. Myriam ne lui en voudra jamais. De l’avoir laissée là avec des souvenirs qui n’arrivent même plus à la noyer d’amertume. De l’avoir laissée là elle ne lui en voudra pas. Elle a faim. Elle va déjeuner dehors, le vent a l’air léger aujourd’hui, à la terrasse d’un café elle pourra se donner des raisons de vouloir écrire, la journée est encore longue, la semaine ne fait que commencer.
Encore des questions. Pourquoi le printemps a-t-il été si long à venir cette année ? 20 Mars. Comme chaque année les pauvres retournent dans la rue. Barrez-vous je vous dis, allez foutre votre poussière ailleurs. Oui mais cette année il a plu beaucoup. Il a fait froid. On est le 20 Mars, c’est le printemps on vous dit, c’est pas possible d’être têtu à ce point. Ca fait longtemps maintenant que c’est le printemps, et le soleil est là, enfin. Des questions. Pourquoi Franck est-il parti ? Et pourquoi encore se mentir ? Franck est resté, c’est Myriam qui est partie. Marre de Paris. Marre des gens. Marre d’en avoir marre.
Elle est retournée vers ses souvenirs, elle a trouvé un logement, elle fait semblant d’écrire, semblant de vivre. Elle fait semblant de payer le loyer, maintenant que c’est le printemps ils vont sûrement la foutre dehors. Franck lui a donné des nouvelles. Quand elle lui a dit où elle était, quand elle l’a dit à lui seul, il est venu la voir. Il est venu voir si elle se maquillait toujours. Venu lui dire qu’elle avait raison mais il ne le pensait pas.
Ensuite il est reparti, en promettant de revenir. Mais elle attend toujours. Depuis le coup de téléphone, non, il ne viendra pas même si c’était prévu, j’ai rencontré quelqu’un tu comprends. Ce n’est plus possible à présent. Plus possible ah ! bon. Si bien sûr ça me fait plaisir que tu aies rencontré quelqu’un. Même si c’est sûrement une salope à gros nichons ça me fait vraiment plaisir je te dis. Mais si ça ne marche pas alors il viendra. Si ça ne marche pas il vient s’installer avec elle, c’est promis, est-ce que Myriam l’épousera s’il vient s’installer avec elle ?
Epouser Franck ici, loin des autres, loin de tout. En cachette, ils seraient heureux probablement. Pourquoi lui dire ça maintenant ? Maintenant qu’elle est loin et qu’il a rencontré quelqu’un. Maintenant qu’elle est seule pour se maquiller, seule pour manger à cette terrasse vide, noire de monde.
Le vent s’est engouffré sous sa jupe, il faut rentrer. Le présent revient toujours, un peu frais. Elle lui a dit non. Elle ne l’épousera pas. Elle ne sera pas la sienne. Elle ne sera pas celle qui. Les petits seins nus sous la robe à fleurs ce sera seulement Myriam pour Franck. Quelqu’un qu’on n’a pas besoin d’épouser. Il a raccroché, elle n’avait pas tout dit. Elle voulait le serrer dans ses bras et pleurer sur son épaule, comme avant, mais le combiné muet a pleuré pour elle, elle est restée immobile un long moment. Et puis le présent.
Myriam paye la note et rentre chez elle, en passant par le parc où les enfants des autres ne la voient pas traîner le sien. Un morceau de souvenir accroché au présent, le parc et ses petites croix immobiles.
Et qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Myriam pensait pourtant avoir passé la matinée à faire le ménage, tout est en désordre. Elle a pris le temps de tout nettoyer mais rien n’est fait. La serviette qui traîne dans la salle de bain, la trousse à maquillage dispersée dans le lavabo, la poussière sur la commode. Quand les questions s’arrêteront-elles ? Où est le présent ?
D’un morceau de coton énervé elle a retiré le noir de ses yeux, maintenant elle laisse glisser la petite robe à fleurs jusque sur ses chevilles. Entièrement nue, Franck. Pour toi je veux être. Puis elle s’allonge entre les deux oreillers, la poussière attendra, voilà qu’elle s’endort malgré tout. Combien de temps déjà ? | |
| | | filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
| Sujet: Re: Du noir autour des yeux 2 Mar 11 Sep - 1:24 | |
| Je crois que je désespère de lire quelque chose de gai de ta part ! Mais qu'est-ce que c'est bien dit... Crédible et sans concession, ce morceau de Myriam, seule et mise à nu, m'a touché. Tu as beaucoup de talent, et je te remercie de nous le faire partager. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Du noir autour des yeux 2 Mar 11 Sep - 16:40 | |
| Le temps qui passe, et qui repasse, des boucles enregistrées qu'on se ressasse, le passé présent dans les têtes, les têtes qui s'écoutent pour boucher les trous et pour ne pas entendre dehors, il manque l'histoire mais sa conclusion nous l'apprend, donne la nous encore par à-coups, les bleus font mal mais les bleus doivent apprendre, ils veulent lire pour l'écrire. Ecrire quand ils ont aimé lire. |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Du noir autour des yeux 2 Mar 11 Sep - 23:31 | |
| La fin tient toutes ses promesses. Je peux percevoir un vide presque sidéral dans ce coeur, un vide que même les mots n'arrivent pas à combler... un froid désespérant, comme une non-vie qui déborde sur le présent, s'accroche au passé, annihile le futur. Trop bon, trop triste, trop réaliste et bien vu pour être une fiction. Merci. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Du noir autour des yeux 2 Mer 12 Sep - 12:19 | |
| Pas besoin d'en rajouter. Juste pour dire que je l'ai lu. |
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| Sujet: Re: Du noir autour des yeux 2 | |
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| | | | Du noir autour des yeux 2 | |
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