Sur le banc
Sur le banc du jardin, il l'attendait.
Un banc menuisé à la va-vite un jour de pluie avec ses sauvageons. A l'africaine, sans plan établi, avec le minimum d'outils et deux planches épaisses de coffrage.
Un banc désormais posé au cœur du potager en forme de triskell, face au pommier d'amour qui en marque le centre et à la haie bocagère limitant le champ à l'est.
Il l'attendait depuis février et juin venu, il n'avait pas manqué un jour où sonder le chêne totem, debout mort parmi les arbres d'émonde. Il y avait accroché sur les moignons des branches des haillons de rêve, de colère et d'espoir, de mélancolie, de cris et de prières, mais le tronc pelé restait de bois.
Passés les nuits et les vents, la bise d'est, l'alizé du sud aux accents doux, le porteur d'eau venu de la fin des terres, le froid du nord et ses grisailles, des chants sans mots et sans son parfum, rien.
Peut-être ses sentiments n'étaient pas assez purs, son attente démesurée ou n'était-il simplement pas prêt. Et puis confie-t-on aux éléments de la nature des attentes qui les dépassent ?
Une mise à l'épreuve ce printemps : il avait, à la fin de l'hiver, tracé sa feuille de route, et à peine le premier pas franchi de son nouveau chemin, une tentation de détour l'envahissait, un retour dans les ornières d'avant...
Coup de barre, reprise du cap, n'attendre personne. L'énergie moulée de patience se développera pour aller son chemin. Il reste tant à explorer, à contempler, à vivre d'émotions incomparables, à jeter des signes qui le débordent. Un sentier de sanglier solitaire au travers de futaies encore mystérieuses.
Des temps d 'abnégation généreuse iront aux causes nécessaires de solidarité salvatrice, les trop- pleins d'énergie à la terre, à la marche et au quotidien, à la subversion et à la résistance face aux indifférences et à l'emprise de la dépendance. « La » rencontre est une illusion et le sentimentalisme paralysant.
Sur le banc du jardin s'est posé un machaon qu'un rai de lumière enflamme. Un autre, il y a un an, l'avait suivi longtemps sur un chemin de montagne. Machaon, fils d'Esculape, avait ce don de guérir les blessures profondes.