Sigmaringen
Sigmaringen, dans la boucle d'un Danube agité, un château féerique d'opérette aux cent facettes de styles pastichés, verrue sur le nez de la Forêt Noire, au gré des générations d'Hohenzollern, verrues sur le nez encore comme la marque génétique d'une lignée de noblesse indigne.
Septembre 1944, les nobles ont été assignés à résidence et la vie de château est imposée aux vacanciers de Vichy. Château d'opéra bouffe avérant la vacuité d'un régime désormais fantomatique.
Les frelons métalliques alliés menacent, et la vie se déchire en lambeaux d'indignité, de stupres, de délations et d'extêmisme désespéré.
La vie survit de combines, s'entasse en promiscuités pathogènes et libidineuses au milieu des déjections incontrôlées et débordantes.
Et Céline.
Céline s'invitant là, haï et paranoïaque après les remous de sa nuit accomplie d'aveux lâches et pacifistes d'antihéros anti-guerre.
Céline, souris soignante qui observe et conte la déchéance, l'hallucinant désordre de l'ordre, sous les fenêtres du château imperturbable où un régime se défait, théâtre de marionnettes improbable au milieu du musée dynastique et receleur des princes prussiens.
Une comédie dramatique et les rictus de la souffrance pour 1142 hommes et femmes exilés, affamés, mais ils avaient choisi le camp de l'ignominie.
Et pour des hommes et des femmes de passage, le dérèglement de la tenue, dans la fuite de la destruction systématique, Dresde, Munich incendiées mètre par mètre et Berlin pilonnée, dans la fuite pèle mêle en débandade des champs de bataille perdus.
Céline et Lili, la compagne danseuse indéfectible de la chorégraphie littéraire de son compagnon.
Céline entretenant son pessimisme et la dérision au spectacle de la comédie humaine qui se délite, part en sucette, ouvre sur l'enfer.
Après la lecture D'un château l'autre, janvier 2012.