Ecumes
Les mots sont montés par les pieds tout au long du halage comme si les pulsations de la marche donnaient le change aux émotions .
Rien ni personne ne peut à ce flot, ni à ses tourbillons, au temps qui s'accélère et à la crue dans sa course. La montée des eaux a une odeur d'emportement, de colère, de viol même dans sa brutalité.
Tout y passe sans appel et il n'y a que les cormorans, prédateurs noirs sans vergogne, pour s'en jouer et pêcher en eaux troubles : quand tout est à vau l'eau, ils prospèrent ces vautours de plaine.
Le promeneur les pieds au sec peut se dire : que reste-t-il des amours rêvées ? Des bribes incertaines, des larmes évitables, des traces accrochées aux berges retrouvées, au chemin dé-couvert, marque-pages contre l'oubli et la noyade.
Plus loin où se rejoignent la Vilaine et la Seiche, se dire encore que ni le lieu ni l'heure n'appelaient la confluence, cette conjoncture unique où deux courants se mêlent dans une pente commune, avec l'idée, au-delà des barrages et après les chutes, au sortir des courbes et des bras morts, de courir emmêlés jusqu'à l'Océan, quitte à s'y perdre.