Les faits sont impudiques
Ils vous nouent nus la gorge
Tels la corde qui a tué:
Annie s’est pendue dans sa nuit
Et sa mère est sans nom dans ce sens dessus dessous :
Il n’y a pas de mot pour dire
Ceux qui perdent un enfant.
Mais ce mot donnerait corps à l'inacceptable.
Pas de mots pour éviter
Le gémir insomniaque et les cernes bleus du coeur violenté,
La culpabilité.
Dans le corps caverneux de l’église grise
Où résonnent des chants inutiles,
On s’embrasse maladroits et muets
Puis chacun cherche à quoi tient sa vie.
Il s’est pris à prier que l’aimée lui vienne,
Sa vie tiendrait à l’attendre ?
Plus rapprochés que d’habitude au bistrot,
Les amis ont bu du chaud sucré,
Partagé du sens et de l’essentiel,
Rituel banal nécessaire au deuil
Avant le chacun face à soi, seul au retour.
Bancs de brume fluorescents,
Campagnes qui s’effacent et renaissent
Comme disparus et nouveaux nés.
Une amie attend un enfant
Et lui a dit la veille.
Ce septembre pourrait s’appeler :
Quatre enterrements et un nuage,
-un voisin, puis le copain des enfants, encore un être cher et Annie,-
Et simultanément un entrelacs de questions diffuses
Comme ce plaisir à porter la souffrance,
L’indécision à dire ce qui tuerait
L’incertain de l’attente
Et l’écriture inéluctable et pressante de la fin.
Il marchera sur la corde raide
Plutôt que s’en casser le cou,
Ta nuit, Annie, reste un mystère.