Vie tranchée

Nuit d'opale
Sous le ciel immense trouée
D'éclats en staccato
Décompose les chairs
En boue lente glissée.

Le souffle crépitant
Dans le feu de sa peur
Bande sa lâcheté
D'enfant qui hurle
Silencieux
L'acier bleui d'un froid
Sidéral
Gèle ce qu'il reste
De son âme percutée.

On le pousse
Il dérape
Harassé du tonnerre
Métallique terreur
Mate son coeur
Entrailles solidifiées
Magmas inconséquent
D'humaines destinées.

Moi je n'vais pas
Je n'vais pas
Vers les feux suffoquants

Je vais vers la prairie
Aux pousses ondoyées
Par le vent frisson des montagnes

Je vais vers ma promise
Aux bras dormant
Dans ses yeux de prière

Je vais vers le ruisseau
Où les joncs en berceuse
Sentinelles complices
D'un printemps nuptial
Je l'allonge...

Il se couche
Sur le fracas évanoui
De la mortelle indifférence

Est-ce ainsi que l'on agonise
Un sang sans cesse sacrilège
Ecarlate sur le bleu horizon
Uniforme calligraphie.

Est-ce ainsi que jeunesse se passe
Mort pour la France
Mort pour la France
Une nuit d'été.




Le 11 novembre... je n'oublie pas les morts, et les souffrances, et les survivants de cette boucherie qui ont du vivre avec tout cela au fond de leur coeur.

Je n'ai que l'envie de t'embrasser. Voilà ce que m'inspire ta poésie, douce amie.
Merci pour eux tous.

"Je vais vers la prairie
Aux pousses
ondoyées
Par le vent frisson des montagnes"

Je ne sais pas quoi dire...

Aprés la Grande Guerre, ils disaient "Plus jamais ça", pour recommencer en pire 20 ans plus tard.
Si on n'oubliait pas si aisément les atrocités d'une guerre il n'y en aurait eu qu'une.
Un écho du "Dormeur du Val" dans un texte fort.

Morgane m'a piqué la référence, j'ai vu dans ton texte le même écho. Je crois que nous sommes nombreux à ne pas oublier...j'en ai aussi l'obsession, ayant vécu sur plusieurs endroits marqués à jamais par cette boucherie. Ca me donne envie de republier ici une nouvelle écrite sur le sujet il y a quelque temps...on verra.

En général je fuis ce genre de consensus qui consiste à écrire sur les mamans en période de fête des mères, sur la charité et les sourires d'enfants sur fonds enneigés en période de noël, sur la guerre en période de commémoration, etc...
Mais là, tu as pondu "ton" Dormeur du Val, effectivement, avec une telle poésie...
Compliments.

Bel hommage, Constance... tes paroles entrouvrent les portes de la
mémoire.
C’est si récent, malgré le temps qui passe et il ne faut pas
que cette guerre ne reste qu’un nuage au dessus de nos têtes. Elle n’a pas
laissé que l’odeur de la poudre derrière elle.
Merci pour ce texte.
Solweig

J’ai juste une remarque – parfois la versification (des
enters) me trouble. Un tel découpage est-il fait exprès?

Merci à tous de vos commentaires, j'avoue que la comparaison me fait frétiller d'aise (le Dormeur du Val, rien que cela, fichtre !).
Merci Solweig de ta remarque sur le découpage, j'ai vérifié et en effet, c'était là ma première version, que j'avais corrigée plus tard. J'ai donc remis bon ordre à tout cela.

c'est vrai que sans y ressembler car tu as un style unique, bien à toi, cela me fait penser au dormeur du val notamment la fin, des images si fortes, vibrantes, douloureuses et en même temps si délicates. Compliments !