Quoi de plus banal qu’un galet ?
Ils sont des milliards à se rouler de mer sur les plages,
D’eau tumultueuse et glacée dans les torrents,
A briller de leur gangue humide au soleil,
Et pendant que les baigneurs gesticulent aux vagues,
Je me promène et les ramasse, les caresse, les observe,
Contemplatif.
De combien de marées,
Tranquilles ou furieuses,
Ont-ils la mémoire ?
Témoins inertes, mais palpables
De la nuit des temps.
D’ambre, noirs, rouille ou ocres,
Indigo, roses, chinés, zébrés, marbrés, polis,
Verts et gris,
Je les ai collectionnés,
Passionnément.
Dépité de les voir ternir
Loin de leur mouillage originel,
J’ai cessé de m’en remplir les poches,
Définitivement.
N’en choisir qu’un suffit à la mémoire
Comme un coup d’œil à embrasser un paysage.
Pourquoi déranger l’ordre de la nature ?
Ils sont si beaux dans leur décor,
Indissociables de leur eau :
Tant elle les couvre de brillance,
Tant ils la font musique.
Epurés et lisses,
Les plus plats sont les rois du ricochet.
De sable et de poussière est leur fin millénaire,
Mais qui se soucie, allongé sur la plage,
De ces pièces à conviction de l’érosion du monde
Et de leur éloge de la lenteur besogneuse ?
Ce sont les miettes amoncelées de la croûte terrestre,
Les cendres du feu intérieur de la planète.
Au fil des assauts aqueux, ils ont délaissé leurs profils anguleux
Pour de doux arrondis ;
Un peu comme les hommes gagneraient en tolérance
Au bout du bout de leurs guerres inlassables.
Ecouter le roulement minéral de leurs percussions
Mêlé au bercement des marées,
Est un apaisement.
On dit que cette énergie cumulée
Aurait le pouvoir d’assainir des eaux grises,
Comme là le gris de mes émotions.
Bruyante au contour de leurs frères géants les rochers,
L’eau des torrents devient murmure
Au fur et à mesure qu’ils s’amenuisent,
Jusqu’à se rendre à peine audible dans les graviers.
Quels beaux après-midi passés à les caler,
En arc de cercle,
Pour faire la retenue propice au bain des petits.
Quelle aventure de prendre pied de l’un à l’autre
Pour traverser au sec !
Et la glissade déclenche les fous rires,
-sur place et encore à la veillée-.
Un petit Poucet a parsemé de galets mon chemin,
Ils forment les pointillés de souvenirs irisés
Par quoi jamais je ne m’égare.
texte repris et retravaillé d'il y a...longtemps.