I) UN DIEU INDO/IRANIEN[/
Mithra, est un dieu venu de l’Inde où il est connu depuis plusieurs millénaires (l’orthographe indienne est Mitra- sans le h d’origine héllénique-). C’est par le culte que lui rendaient les romains qu’il nous est le mieux connu, étant admis qu’il existe des différences notables entre le Mitra indien et le Mithra romain.
Sa fonction principale: Mitra, le Contrat, l’Ami, le rend proche des hommes, il les répartit selon les classes traditionnelles:
--La société indo/ européenne est tripartite: les prêtres (bramhmanes); les guerriers (râgans) et ceux qui produisent des biens matériels (vishyas). Une structure que l’on retrouve chez les Celtes et qui perdure en France (les Trois Ordres) jusqu’à la Révolution.
Mitra est le dieu de l’ordre, il organise l’univers social.
“ Mitra est appelé ainsi parce qu’il fait s’organiser les hommes. Mitra a porté de tout temps la terre ainsi que le ciel. Mitra jette son regard sans cligner sur les établissements humains.” Véda (3.59)
Il représente le pôle bienveillant et lumineux de la souveraineté et veille à l’organisation pacifique des hommes entre eux selon l’ordre et sous le regard des dieux.
Son opposé, le pôle obscur est Varuna, qui châtie, frappe et paralyse de ses liens magiques tout pêcheur où qu’il se tienne.
Les deux divinités sont complémentaires, opposées et indiscociables. Elles apparaissent dans un traité passé en 1380 avt JC, entre un roi hittite et un souverain mitanien.
__La Mitannie était l’empire des Hourites, un ancien peuple attesté en Anatolie, haute Mésopotamie et Syrie au XIVème siècle avt JC, il fonde le royaume de Mittanie qui est détruit par les Hittites.__ ( pas de complexes, moi non plus, j’avais jamais entendu parler d’eux.)
Le traité qui figure sur une tablette retrouvée en Anatolie montre que Mitra a déjà fait bien du chemin depuis l’Inde et s’ils le prennent pour arbitre c’est que les deux peuples le reconnaissent
II) LA DIFFUSION DU CULTE
C’est à Rome et par les romains que l’Occident découvre Mithra, il est connu dés le Ier siècle avt JC, son culte attesté dés le Ier siècle.
Comment est il arrivé là?
On a peu de connaissance sur la transition entre le dieu indo iranien et la divinité gréco romaine. Mais Rome occupe un vaste espace géographique et culturel. Alexandre le grand est allé jusqu’en Inde, il est roi de Perse où Mithra est vénéré dés le VIème siècle avt JC comme divinité tutélaire du souverain. On peut penser que ses soldats de retour en Europe on transporté ce culte avec eux, et qu’il est arrivé à Rome via la Gréce.
Les royaumes d’Arménie et du Pont ( N/E de l’Asie Mineure au bord du Pont Euxin; mer Noire;) le pratiquent et les rois du Pont prennent le nom de Mithridate (donné par Mithra).
On ignore comment et pourquoi, dans le monde romain, ce culte est devenu une religion à mystères, ce qu’il n’est pas en Orient.
Plutarque raconte que des pirates combattus par Pompée entre 78 et 67 avt JC auraient trouvé refuge en Cilicie (Sud de la turquie d’Asie) et auraient, lors de cérémonie secrètes pratiqué des rites occultes. Contraints à la clandestinité comme ennemis de Rome, ils auraient développé une religion à mystères, prenant appui sur un dieu guerrier et souverain, garant des serments. Capturés et réduits en esclavage, ils auraient répandu leurs croyances en Italie.
Le tout au conditionnel, Plutarque qui était grec et vivait au Ier siècle, n’est pas un témoin direct.
Pline l’Ancien rapporte que le roi parthe Tiridate, couronné à Rome en 66 aurait initié “Repas des Mages” et l’aurait honoré du nom de Mithra.
Le mithraïsme a une influence grandissante à Rome aprés 150, avec une période d’expansion maximale au milieu du IIIème siècle.
Les soldats romains engagés dans les conflits en Orient ont été en contact avec le culte mithriaque lors des campagnes contre les Parthes entre 114 et 165. ils ont répandu ces croyances au gré de leurs affectations. l’ère de propagation du culte s’étend jusqu’aux Limes (les frontières avec les barbares) Rhin et Danube.
Il n’est donc pas surprenant que de nombreux adeptes soient des soldats, il compte aussi des esclaves, des commerçants, des étrangers d’origine orientale.Mais le monde rural lui reste fermé et (comme presque toujours dans la société romaine) les femmes en sont exclues.
Le culte de Mithra n’est jamais reconnu comme religion officielle, mais ne suscite pas de réaction négative chez les dirigeants romains.
Les romains sont ouverts à tous les cultes et acueillent de plus en plus favorablement les cultes dits “orientaux”.
Commode (180/192) fut initié, mais à titre privé. Septime Sévère, Caracalla et Geta s’y montrent favorables.
Aurélien promeut le culte du Sol Invictus et fait édifier un temple au Soleil. vers 307/308, Dioclétien, Galère et Licinus désignent Mithra “Fautor Impérii”: protecteur de l’Empereur.
III) MITHRA ET SON CULTE
Quasiment aucun texte sacré ne nous étant parvenu, les connaissances sur le mithraïsme sont fondées sur l’iconographie, aucune explication ne permet d’en décrypter la doctrine.
Par définition, les religions “A mystères” où les adeptes suivaient un cycle d’initiation, ne révélaient rien de leurs pratiques à l’extérieur.
Ces religions sont arrivées à Rome par la Gréce qui les pratiquaient de longue date: Démèter (Eleusis), Orphisme, Pythagorisme et sous certains aspects, le culte de Dyonisos...
Ne trouvant plus de satisfaction dans leur religion (empruntée essentiellement aux Grecs et aux Etrusques) les romains friands de nouvauté, s’ouvrent aux cultes des pays conquis.
Le druidisme a été exterminé parce que les druides étaient vus comme les seuls aptes à fédérer une résistance celtes contre Rome.
Le christianisme, d’abord reçu comme un simple culte oriental, connaît des persécussions à cause de l’attitude jugée “incivique” des chrétiens qui refusaient comme idolâtre le culte de l’Empereur divinisé (de son vivant aprés Auguste).
Mithra naît prés d’une source sacrée, sous un arbre également sacré. Il surgit d’un rocher, tenant une torche d’une main et de l’autre un glaive, pour combattre le mal qui a pris la forme d’une sécheresse qui détruit la vie. Auto engendré, c’est un dieu des puissances naturelles et cosmique, lié à la terre et au soleil.
Il veille sur l’odre du monde, assure sa survie en luttant contre les esprits mauvais, le sauve d’une sécheresse, de la soif et de la mort des troupeaux. Il fait jaillir une source d’une paroi rocheuse.
Puis il se met à la poursuite du Taureau Primordial, dont le sacrifice redonnera au monde la force vitale.
Symbole récurent de l’Antiquité (Les Crétois l’honoraient, Héraclés vainquit le taureau de Créte), et chez les Celtes, le taureau représente la force et la fécondité. Son sacrifice permet la régénération du monde par le sang et le sperme répandus.
Le taureau capturé est egorgé dans une caverne, comme il en a reçu l’ordre du Soleil.
Ce “taureauctone” (ctone: du grec qui signifie sacrifice, mise à mort) est la représentation la plus répandue de Mithra, figuré en pleine action, un genou sur la croupe de l’animal, il lui plonge son épée dans la gorge.
(je sais, une photo serait bienvenue, mais je sais pas faire passer, lol).
Il porte le bonnet phrygien, (celui de notre République, coiffure des esclaves affranchis à Rome).
La victoire est célébrée par un banquet__ pratique suivant les sacrifices, aprés avoir brûlé la part des dieux (sauf en cas d’holocauste où l’animal entier était consumé) on se partageait la chair lors d’un banquet__ où sont présents Mithra et le Soleil; Sol Invictus (invaincu et invincible) qui monte ensuite au ciel sur un char, laissant la prédominance à Mithra sur la terre.
La scéne du taurreauctone est complétée par un chien qui mange le grain sortant de la blessure (lhumanité alimentée?), un scorpion qui pince les testicules du taureau (victoire de la mort?) et un serpent qui, comme l’Orobouros, serait une allusion au cycle de vie.
Mais, encore une fois, en l’absence de textes explicatifs d’époque, il s’agit d’interprétations fondées sur la symbolique connue de ces animaux.
Mithra est souvent accompagné du Soleil et de la Lune, de Cautés qui tient une torche levée à gauche sous le Soleil (soleil levant) et de Cautopatés qui tient une torche baissée à droite (soleil couchant).
Les figures rapellent le déroulement du temps et l’importance de l’astrologie dans la religion mitriaque, et qui était, en Perse comme à Rome, un élément fondamental de la vie publique et privée.
L’iconographie servait à l’enseignement des fidéles qui comprenaient sans difficulté ces symboles; ils leurs étaient familiers.
Le culte se pratique uniquement dans le sanctuaire le “mythéum” qui représente à la fois la caverne du sacrifice originel et le cosmos. De taille restreinte (30/50 personnes) il est placé sous des maisons privées et souvent à proximité des casernes.
Le rituel devait comprendre un premier temps d’instruction appuyé sur l’iconographie, puis un repas rituel qui commémorait celui de Mithra et du Soleil. La nourriture (on partageait le pain et le vin) permettait une régénération physique et spirituelle. il comprenait probablement des sacrifices animaux, l’eau et le Feu y jouaient un grand rôle.
Il existait 7 niveaux d’initiation qui peuvent être mis en relation avec les 7 platénes reconnues à cette époque. La majorité des adeptes n’accédaient qu’au 4ème grade.
1) Corax (corbeau) Mercure
2) Nymphus ( fiancé, épousé) Vénus
3) Miles (soldat) Mars
4) Léo (lon) Jupiter
5) Perse (persan) Lune
6) Héliodomus (emissaire du soleil) Soleil
7) Pater (père) Saturne, dont les attributs; le bonnet la crosse et l’anneau; rappellent ceux de l’évêque chrétien.
Ces grades ne signifient pas grand chose pour nous, si ce n’est un avancement dans la révélation, mais certains auteurs avancent que les Francs Maçons s’en seraient inspiré pour leur propre rituel.
Pendant les rites, les initiés portaient des masques d’animaux correspondants à leur degré d’initiation. Objets et rites participent à la réactivation d’un mythe complexe qui donne à l’adepte une vision globale et cohérente du monde.
Le “taurreaubole” dans lequel les adeptes s’aspergent du sang du taureau sacrifié, reste la pratique la plus spectaculaire et la plus connue.
IV) LA FIN DU MITHRAÏSME
Le succés des cultes à mystères (et celui du christianisme), tant en Gréce qu’à Rome, s’explique par l’indigence spirituelle de la religion traditionnelle.
Si celle ci mentionne bien une vie aprés la mort, c’est devenir une ombre dans les Champs Elysées (pour les héros et les gentils) ou souffrir les supplices du Tartare pour les méchants, les deux lieus constituent les “Enfers”.
Mais elle ne s’interesse guère à l’âme elle même, dimension qu’apportent les cultes à mystères.Le “Myste” accéde à un degré de connaissance qui lui permet d’envisager la survie de son âme sous la protection et dans la lumière du dieu qu’il a choisi.
Le parcours initiatique recouvre celui de la vie, on franchit les divers degré d’illumination qui permettent la compréhension de l’Univers.
Ces cultes étant ésotériques, on sait trés peu de choses sur leur pratiques et leur finalité, seul l’Orphisme a laissé quelques textes sacrés. Ils sont Tous originaires du Proche et Moyen Orient. une zone de contact entre Orient et Europe qui connu pendant l’Antiquité (et au delà) un intense brassage de populations et de croyances.
Le culte de Mithra, lié au mazdéisme (Mazda est le dieu bon de la lumière dans le zoroastrisme, opposé à Ariman, le mauvais créateur de la matière). Certains auteurs considèrent le culte de Mithra comme une forme hérétique du zoroastrisme.; à l’hindouïsme, au panthéon gréco latin et egyptien; en relation avec le platonicisme, le stoïcisme est le pythagorisme (oui, tout ça...) en plus de l’astronomie peut être vu comme un syncrétisme, ce qui expliquerait qu’il a attiré de nombreux adeptes, chacun pouvant y trouver ce qu’il recherchait. Bien qu’à mystère, le culte n’est pas dogmatique et n’apparaît pas fermé.
Culte Monothéiste, ce qui est rare à l’époque dans le monde romain (les juifs excéptés), le mithraïsme s’inscrit dans la dynamique d’un salut apporté par un dieu sauveur qui agit pour les hommes, et dans la lutte (suivant un principe d’origine orientale) entre le Bien et le Mal.
“Et tu nous a sauvés en répandant le sang porteur d’éternité” (inscription trouvée dans le mithréum de Ste Prisca à Rome.
Le sang répandu est celui du Taureau et non du dieu lui même. La notion de purification et sauvetage par le sang d’un être d’exception qui accepte son sacrifice pour le bien commun est bien antèrieure au christianisme.
Au IV éme siècle, le christianisme, sorti de l’ombre et adopté dans les plus hautes sphères sociales, devient religion officielle, il s’oppose au mithraïsme avec lequel il a des correspondances (peut être trop au goût des chrétiens qui déjà, ne brillent pas par leur tolérance religieuse; non c’est pas de “l’anti “ primaire, c’est un constat...). C’est pourtant par les auteurs chrétiens qu’on a les seules sources. Les auteurs latins n’en parlent guère, sans doute le considéraient ils comme normal.
Bien sûr les auteurs chrétiens (qui ne brillent pas leur objectivité, lol) en disent pire que pendre, lui renvoyant les reproches qu’on leur adressait peu avant sur des pratiques blasphématoires, inspirées par le démon et d’autant plus louches que secrètes.
D’autant plus qu’elles présentent des ressemblances jugées dangereuses avec leur propres pratiques et croyance (ha, la concurence!)
Cette animosité se manifeste dans la fixation de la date de la naissance de Jésus (sur laquelle les Evangiles sont muets) au 25 décembre, qui cumule la fête de Sol Invictus, celle de la naissance de Mithra et le Solstice d’Hiver, au IVème siécle. Fête païenne donc, d’une importance fondamentale puisqu’elle rassemble une grande partie des divers cultes (les réjouissances duraient 12 jours), qu’il convient de récupérer en la couvrant d’une chape chrétienne. Les habitudes ne sont pas bousculées, c’est le “fêté” qui change...
Une technique dans laquelle l’Eglise chrétienne va exceller.
En 391, l’edit de Théodose interdit les cultes païens (qui ne disparaissent pas pour autant du jour au lendemain). les chrétiens s’acharnent particulièrement sur le mithraïsme, les mithrréums sont détruits volontairement (attesté par l’archéologie) ou couvert par une église.
On lui reproche aussi d’exclure les femmes.
malgré quelques sursaut et un maintien clandestin jusqu’au VIIème siècle, le mithraïsme disparaît.
Il joue cependant un rôle important dans le manichéisme (bogomiles, cathares) qui fut lui aussi un rival sérieux du christianisme.
1er volet: Mithra tel qu'on le connaît. Le second, savoir si le mithraïsme aurait pu triompher à la place du christianisme, aprés les fêtes...
Cette partie repose sur ce qu'on peut savoir, la seconde sera plus spéculative et perso! Mais necessite que je révise la diffusion du christianisme dans l'Empire romain, ses modalités ect...