Ça faisait trop longtemps qu’elle attendait
là. La pluie ruisselait depuis longtemps dans son dos, sous son vieux t-shirt
délavé qui collait à son corps comme une seconde peau. Autour d’elle, le monde
ou plutôt ce qu’il en restait, semblait posé sur un miroir, se
reflétant dans l’eau qui recouvrait tout. Chaque objet avait son
double, comme une version schizophrène d’un monde qui avait perdu toute
raison.
Et ce silence, oppressant et discordant, qui enveloppait
chaque seconde d’éternité, qui défiait la fatalité même : plus rien ne
semblait devoir jamais changer. Pourtant tout changeait, se
désagrégeait, fondait. On ne savait même plus comment tout cela avait
commencé, pourtant cet instant était bien réel. Tant d’écrivains, de
conteurs et de prédicateurs avaient tenté de décrire l’horreur d’un tel
instant, aucun n’avait même effleuré la vérité. L’imagination humaine
était au-delà d’un tel degré de désespoir : quand la lumière disparaît,
plus rien n’a de sens. Aucune barrière à la folie n’existe alors. Et
c’est le vide, la fin.
Mais avant la fin, la souffrance : celle de l’attente. Peut-être était-elle
la dernière, peut-être pas. L’incertitude était-elle pire que l’attente
? Elle n’aurait su dire. Elle ne pouvait choisir. C’est pourquoi elle
attendait. Quelqu’un ou quelque chose, qui la forcerait à agir, à
bouger. La pluie même, glacée et sans doute toxique, ne pouvait la
faire bouger. Elle regardait. Elle regardait ce monde qui hier
encore vivait, vibrait, et qui maintenant n’existait plus. C’était
comme regarder de vieux portraits de famille en noir et blanc du siècle dernier. Les gens sur la photo sont morts
depuis des décennies, mais ils paraissent tellement vivant sur l’image,
tellement sûrs d’eux, tellement immortels. Seule l’image est immortelle. À
l’âme survit le souvenir, l’image.
Comme cette publicité au bout de la rue. Qui se souciera aujourd’hui et même
demain, de se brosser les dents trois fois par jour ? Qui aura envie
d’un bon Coke froid pour palier à la chaleur ? La brûlure de la solitude est inextinguible. Peut-être était-elle la dernière.
Peut-être pas.
Cette question tournait sans cesse dans sa tête, piquant son
espoir. Et si d’autres avaient survis ? ‘’C’est impossible, tu le sais
bien. Toi non plus tu ne devrais pas être là.’’ Oui mais s’il y en avait
d’autres, dans la même situation qu’elle ? Mais si seulement…
Est-ce que je le continue? P.s: Désolé pour la mise en page, il est tard et je n'ai plus la force de me battre avec le BBCode...