gepetto Gardien de la foi
Nombre de messages : 325 Age : 76 Signe particulier : Néant et Rêve Date d'inscription : 24/12/2007
| Sujet: Témoignage Mer 26 Déc - 11:44 | |
| "Docteur, je bois...""Jolie bouteill', Sacrée bouteill', Veux-tu me laisser tranquille ! Je veux te quitter Je veux m’en aller, Je veux recommencer ma vie !…"
Au début il y a le groupe, la fête impromptue, les troisièmes mi-temps de réconfort après l’effort, les pots, les dates fixes, les apéros, les heures arrêtées, les invitations reçues … Il y a plus tard les « bristols » que l’on recherche, le groupe de quatre puis trois, puis deux, puis… Ensuite s’imposent sans crier gare la fête à ne pas louper, les troisièmes mi-temps sans les deux premières, les pots sans les dates, les apéros sans les heures fixes…
Toutes ces années à boire !… Elles sont passées comme un uppercut ! L’ami sournois qui veut du mal ronge les neurones. On ne le sait pas encore, malgré toutes ces années…
Bonjour ses dégâts ! On ne s’en aperçoit qu’après l’osé "Docteur, je bois !" Et l’abstinence qui s’ensuit…
Avant de s’y résoudre, il y a les stress de tout pour rien, les attentes douloureuses des inévitables, l’oisiveté et ses déboires… Il y a tous ces moments de solitude à boire… Avant de s’astreindre à prendre sa bonne parole, il y a les colères pour un rien, les maux administrés à l’autre, aux autres et dont on n’a pas conscience, les feux de tous bois, les matins de brume artificielle, les trottoirs « mangés » par la gomme, les escaliers anodins vertigineux, les pieds aux astragales mal assurés et ceux des vers que les verres font pauvrement rimer avec plus rien, les repas, « liquides »…
Puis il y a la honte de soi-même, rongeant son tréfonds, lorsque la main, machinalement, instinct de mort lente sans doute, s’en vient, presque toute seule, enserrer le verre. Honte au fond de vider tous ceux de bouteilles, honte d’avoir la hantise de l’absence d’alcool dans les placards… Une espèce de fielleuse nausée en forme de ras-le-verre, qui, bizarrement, tiraille entre envie incontrôlée et dégoût affluant en la conscience…
Sacré verre à pied, blanc, portant malheur quand il se casse, ma main à cet heur est lasse ! Je veux redevenir entier ! Je veux un autre éveil !...
"Que fair’ dans un cas pareil ?"...
… avouer, enfin : "Docteur, je bois !"
Je me suis d’emblée demandé, en voyant le regard dubitativement étonné de mon généraliste depuis une trentaine d’années, si je n’étais pas devenu tout à coup une rareté, lançant sa vérité à la face de son monde qui se restreint, goutte après goutte ? J’ai pourtant pensé dans mon tréfonds quelque peu ravagé, avant de faire le pas décisif, ayant assisté parfois à de péremptoires refus de la reconnaître, que cette vérité-là était la seule « bonne à dire », qu’elle serait le premier maillon, indispensable, de la chaîne de ma reconstruction…
"Aidez-moi, docteur !"…
Au début, il y eut la pilule blanche et la rose, quotidiennes, les clignotants sanguins, tous rouges ! Ils annonçaient une prochaine dangereuse imbibition… Il y eut l’aveu aux autres, simple et facile désormais après celui au docteur, déclencheur de l’espoir, l’aveu aux parents, aux amis, au "patron", aveu voulu, osé lui aussi, libérateur : "Oui, je buvais ! Désormais je me soigne".
Et puis il y eut l’eau ! Et la découverte de sa pétillante platitude
Hello, la vie ! Reviens, j’ai envie de t’aimer à jamais… Et de chérir jusqu’à l’insensé celle et celui que je blessais ! Le calice est plein, j’en ai assez !
Puis il y eut bientôt mon premier repas, solide, sans le vin, ! Puis deux, puis trois, puis dix, puis vingt... Il y eut ma première fête à l’H²O, dont celle ma commune et celle, plus grande, et où les tentations rôdent, de Bayonne, et en plus celle de mes cinquante neuf années, dont une quarantaine à buvoter, puis siroter, puis boire... Il y eut le passage au vert de tous les clignotants et la suppression de la pilule rose… Et la satisfaction d’avoir clamé la vérité à la face de mon monde recroquevillé...
Huit jours, quinze, un mois, six, un an ! Suis-je sorti de mon auberge ? Je le pense. Je le veux. J’y tiens.
En ne buvant plus, grâce, certes, à une volonté nauséeuse mais farouche, mais aussi et surtout à trois petits mots, que j'ai placés à ma une, trois simples vocables irrévocables exprimés droit dans deux yeux, puis quatre puis dix, puis aujourd'hui, pardonnez-moi, mais j'en ressentais le besoin, dans les vôtres, j’ai bu à tout jamais ma honte, d’écrire, de dire...
celle de témoigner …Je vous embrasse ! gepetto
Dernière édition par le Mer 26 Déc - 22:47, édité 1 fois | |
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filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
| Sujet: Re: Témoignage Mer 26 Déc - 12:01 | |
| J'ai lu ce témoignage sur LU et en ai été bouleversé, touché par son authenticité, et de la victoire dont il témoigne.
Je l'ai déplacé dans la rubrique des textes en prose, car celle des "pages perso" ne sert qu'à présenter la "table des matières" de chacun des membres (va voir la mienne et tu comprendras), en mettant tous les liens de ses textes postés, pour permettre à un autre membre (ou soi-même) de trouver d'un seul coup d'oeil tous les textes d'un auteur.
Dernière édition par le Mer 26 Déc - 13:54, édité 1 fois | |
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gepetto Gardien de la foi
Nombre de messages : 325 Age : 76 Signe particulier : Néant et Rêve Date d'inscription : 24/12/2007
| Sujet: Re: Témoignage Mer 26 Déc - 13:51 | |
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constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Témoignage Mer 26 Déc - 22:41 | |
| Le courage tient parfois en trois petits mots. Pas en longs discours, pas en prophéties, mais juste en trois mots. Et des années de lutte, et la tentation, aussi perpétuelle que le dégoût. Clair et pur, ce témoignage. | |
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