à Cathecrit, constance, Margo, morgane et...

Quatre odes en un bouquet de mes fleurs oubliées


I


Sais-tu, rose, embaumant le massif droit et digne,
Qu’il est, sur un terril de tes charmes indigne,
Un chardon au cœur empourpré ?
Soupçonnais-tu, crocus aux limbes filiformes,
Qu’un « réveille-matin », aux couleurs uniformes,
Des amoureux verdit le pré ?

Ô vous, hortensia, tulipe si pimpante,
Connaissez-vous ces rois, sur leurs rochers en pente,
La cardère ou le panicaut ?
Arum majestueux, pense que la guimauve
De l’eau qui stagne vit ; qu’au pied du mur, la mauve
Rencontre le coquelicot ?

Ne brocarde point la viorne,
Toi, le valeureux laurier ;
Si nul képi sa feuille n’orne,
Elle est, pour l’amant, obier !
Cache les marbres, chrysanthème,
Mais sans rire du xéranthème !
Imagine-toi, fleur de lys :
Qu’au roi soleil si tu rayonnes,
Combien de nuits calmes et bonnes
Éclaire le mirabilis.

II

Sous ta toison de jais, songeras-tu, Hélène,
Ou toi, blonde Vénus, aux attraits de sirène,
À la joubarbe des murets ?
Toi, belle Aude aux bras blancs, saches que l’ellébore,
De ses palmes d’hier saura donner encore
Les charmes doux et désuets…

Sous votre rouge fard, ne riez point, Fleurette,
Ni toi, tendre Phillis, lorsque la pâquerette
Vous foulez de vos déraisons !
Cueilles, pour t’en parer, ô l’Inès incrédule,
Bruyères du soir vain, genêts du crépuscule ;
Fais-en la gerbe d’or de tes jeunes saisons…

Ne vous moquez pas des euphorbes,
Et de leur « Il fut une fois… »,
En levant le front vers les orbes,
Demoiselles au frais minois,
Quand leurs ombelles et leur sève
Auront noirci dans l’air du rêve !
Au vieux cyclamen, une crosse,
Ne cherchez point, frêle Thétis ;
Si l’an suit le myosotis
Ne l’oubliez pas dans la fosse !


III

Toi, le bel Adonis, l’ÉROS à l’arbalète,
Toi, le fier Artaban, à l’invincible crête,
Connaissez-vous le sablier
Où pousse le chardon ? Les ruines et leurs chancres !
Vous aussi, dans la mer, vous jetterez vos ancres...
Et fanera votre laurier !

Toi, le preux Chlodovech, qui des roses raffole,
Et toi, Bayard vainqueur, que nul jamais n’affole
Pas même le vieux zinnia,
Oyez qu’un pissenlit, s’il croît de ses racines,
Dans un vague terrain, naît de l’eau des glycines
Et de l’humus du kerria…

Ô, ne raille point le narcisse,
Ni le blanc yucca, Héraclès ;
L’un ne boit pas qu’à son calice
Et l’autre est un bel aloès !
Ne toise pas les belladones,
Supportant le poids des automnes,
Les rhododendrons aguerris
Par les soleils et les orages !
Vois-tu, chevalier, des outrages
Du temps jamais tu ne guéris !


IV

Sur le sein policé du blanc et vieil Ulysse,
Pénélope s’endort. À Tite, Bérénice
Entrouvre son cœur de toujours.
Pelléas d’autrefois fait à sa Mélisande
La gerbe de l’automne, à senteur de lavande ;
Sous leur front, ils ont leurs amours...

De Rodrigue, pensif, le lin bleuté, Chimène,
Bien que séché, conserve, et la rose d’Hélène,
Pour Pâris reste fleur d’antan.
Le chenu Roméo cueille pour Juliette,
Le pavot des hiers. Iseut, sa violette,
La garde encore pour Tristan.

Si fleurissent à nos automnes,
Des arums, grisés par le temps,
D’inénarrables anémones,
Au pied marron, sous leurs printemps,
Leurs sentiments jamais ne meurent,
En leurs pistils, toujours demeurent.
Ces fleurs-là vous offrent en dix,
En cent corolles, leur cœur blême…
Pour celle d’automne que j’aime,
Ma plume est un myosotis…

gepetto

Je suis très touchée par la beauté de ces vers qui élèvent l'âme!
Oui, merci.

j'adore, digne d' être enter dans les "Légendes des Vergers et Jardins". Chaque fleur à son histoire, sa légende, sa symbolique, tout à fait mon domaine.
Merci gepetto.

Ode botanique... tu sèmes avec tes mots les fleurs de l'amitié, petit bourgeon qui produit parfois d'étonnantes et somptueuses floraisons

Mais mais mais... Je ne tombe que ce soir sur ce merveilleux écrit.... et.. reviendrai le lire plus tard, car occupée par de basses considérations matérielles.
Questions : Avons-nous été à l'origine de ce beau texte ?
Et si oui, quelle est ma fleur ?
Dois-je la deviner ?...
A très vite.

Ceci fut écrit pour exercer ma plume à l'art de composer une ode, puis deux... qui est un poème à forme fixe.
J'ai choisi le thème des fleurs dont on ne parle jamais, qui fleurissent toujours et aussi bellement que les autres (que l'on se "pavane" sous les feux de la rampe des amoureux ou des promeneurs) dans les coulisses des jardins publics...
Je n'avais jamais eu l'occasion d'offrir ce bouquet médiéval. Alors...
voilà. Sans autre pensée que le cadeau des vers de mon cœur.

Gep

Ah oui, vraiment splendide, et très travaillés ces vers en 8 pieds, impeccables.... Et que de belles références que je ne maitrise pas toujours mais qu'importe !
Merci Gepetto.
Nous fûmes sans doutes, le temps d'en compter 4, de petites "pinocchiottes" (ne pas oublier de prononcer pinokiottes, sinon... la sonorité est disons au mieux déplaisante) endiablées, florales et rêveuses....

Il y a un bouquet tout joli, fraîcheur et délicatesse, tout dressé vers son ciel de pluies abondantes, de soleil à éclore les couleurs, de nuits à frissonner les pétales, et la terre nourricière...

...terre nourricière, Poète jardinier ; Gepetto !