La transparente

Viendra le jour
où son ombre portée
s'évanouira dans le pâle

le souffle d'une boucle
effleure ton sourire
n'était-ce qu'un rêve ?

ses nacres immobiles
broderont dans ton sommeil flou
comme l'orée d'un désir
à revers de temps

un grand soleil disjoint
s'obstine à palpiter
en amont des souvenirs
n'était-ce que cet inachevé ?

sur l'orbe déclinante à ce ciel éclipsé
battements erratiques d'exultations et de mélancolie
tes pas s'allégeront au soupir de ses pas

la bienveillante lisse d'un baiser transparent
ton front scindé d'obscurité
tant d'avenirs sans elle

et pourtant...


(un hommage aux Transparents de René Char)

L'"homme qui marchait sur un rayon de soleil" ne laissait de traces que quelques mots, ses pas semaient l'instant, en le récoltant. Les Transparents ne se fixaient pas... toujours mobiles, évanescents.
Bel hommage que ce poème délicat et quelque peu mystérieux.
Tu transcendes en t'appropriant.

Que justifie le clivage plain/italique ?

Comme pour la plupart des textes que j'écris, il n'existe pas vraiment de "préméditation" dans mes choix, sinon mon sens de l'équilibre et le ressenti de ce qui convient (je sais, cela parait bien aléatoire).
Dans le cas présent, j'ai vu les choses comme cela : les passages en caractères "normaux" sont tournés vers l'imagination d'un avenir (utilisation du temps futur).
Les passages en italique représentent un questionnement intérieur, comme une petite voix personnelle en ritournelle dans la tête (d'où le temps présent).
Merci de ton commentaire !

"Viendra le jour
où son ombre portée
s'évanouira dans le pâle... "

Des mots comme des notes sur une portée.
Des images qui débordent de sens. (au pluriel!)
Un mot me vient: harmonie.

Si j'osais, allez j'ose, je dirais que ces deux vers:
"sur l'orbe déclinante à ce ciel éclipsé
battements erratiques d'exultations et de mélancolie..."
sont à mon sens un peu grandiloquants.
Vous appelez ça du chipotage, je crois.

Dois je avouer que je n'ai pas lu les Transparents?
Une lacune que ce beau texte réapproprié m'incite à combler au plus vite.

Images très poétiques qui jouent sur nos sens. La question :
pourquoi l’intercalation des strophes en italique – est résolue mais j’en pose
une autre – ne faut-il pas avoir plus de confiance en le lecteur qui pourrait
seul en déduire la subtilité ?
Cordialement Solweig

Bon, que de questions sur ce texte ! mais cela montre votre intérêt, ce dont je suis très heureuse. Donc...
Margo, je suis consciente que les deux lignes que tu cites sont un peu différentes du reste, sans doute parce que je me suis laissée emporter. Et puis cela faisait un contraste avec la 3ème ligne, je veux dire par là : ces deux premières lignes qui débordent et semblent ne plus finir, par rapport au verbe "s'allégeront" qui suit.
Morgane, "Artine et les Transparents" comporte des textes superbes, mais je me permets de te conseiller "Fureur et Mystère", c'est en gros ce que je préfère de Char. Bon, je vous mettrai un des textes, son dernier.
Solweig, tu n'as pas tort, je suis toujours étonnée de voir à quel point les lecteurs cogitent fort sur les textes proposés, avec des interprétations très intéressantes. Mais j'avais envie de cette différenciation, je m'en suis déjà servie dans certains de mes derniers poèmes, et j'aime l'effet de cette petite voix intérieure. Comme si j'indiquais que si on lit le texte à voix haute, le ton devrait changer pour se faire plus confidentielle. C'est juste une idée, voilà.
Merci encore de votre lecture si constructive et minutieuse.
Et, hum, la photo ? ca vous semble approprié ? parce que là, je suis totale amateur...