Chanson de l'adorante

S'endormir
horizontal poudroiement en soupirs de sommeil
livrée à l'expiration languide de la vague
sur l'interrogation tangente des messagers en transit entre l'eau et le ciel

S'endormir
fondue à l'étreinte effilée de celle qui veille et celui qui oublie
là où l'origine baptise l'adorante à son goût lavé de larmes et de gouffre
là où l'ample atermoiement des vies s'évanouit en brume soyeuse sur les crêtes endimanchées

S'endormir
fixant une dernière fois dans le mica des lâchetés son apparence plaquée de mensonges
un visage flouté sur des rêves échoués
aspirer enfin le vaste soleil qui palpite en dansant sa chanson calcinée
dans le tournoiement d'un dernier bal où ne seraient pas conviés
le ban et l'arrière-ban des souvenirs

S'endormir

Comme une aspiration à quelque chose de plus que le sommeil.
J'ai l'image de "La petite sirène" d'Andersen, à la fin du conte quand elle se transforme en écume.
C'est très triste et très beau.

Chaque ligne est un poème puissant. J'ai un faible particulier pour celle-ci :
"là où l'ample atermoiement des vies s'évanouit en brume soyeuse sur les crêtes endimanchées"

La photo, bien que bancale, est du genre que j'aurais aimé faire. La mer y prend une épaisseur, un relief, une présence fascinants.

Merci de vos coms, ils m'aident beaucoup à me situer dans une voie (une voix?) un peu différente ces derniers temps : j'évolue et vos appréciations ou critiques me permettent d'y voir un peu plus clair.
Margo, j'ai toujours beaucoup aimé l'histoire de la petite sirène, et j'ai vu la vraie (la statue, quoi) à Copenhague...
Et merci Filo de ton avis, il me conforte dans ce que je cherche. Je me rappelle le nombre de fois où en lisant un de mes poèmes, tu m'as dit : "telle formule est très belle, mais le reste autour inutile". J'essaie d'aller à l'essentiel , et tu sais comme c'est compliqué pour une bavarde telle que moi ! Je tente de "dégraisser" pour ne garder que l'utile.
Pour moi la quasi perfection, ce sont les dessins de Cocteau : un seul trait tout simple qui donne forme et vie à une idée, et avec quelle puissance...
Les avis sur mes photos me sont aussi très précieux, je n'ai aucune connaissance technique et ne sait donc pas ce qu'on estime être une photo réussie et quels critères entrent en jeu (je suppose pas seulement le "joli" et la subjectivité). C'est vrai que celle-ci est un peu bancale , je suis contente que tu me prêtes ton oeil de professionnel !
Et celle-ci ? peut-être un peu moins bancale, mais les couleurs sont plus ternes à mon avis. Et puis il y a une voile au milieu qui fait bizarre.

On voit la voile aussi sur la première, mais de plus loin.
Celle-ci aussi est légèrement penchée. Tu dois avoir tendance à plus lever la main droite que la gauche (différence de force?) face à l'horizon.
L'effet de couches épaisses est plus remarquable sur la première, qui en plus est plus sombre, mais j'aime bien celle-ci aussi.

On a dit de Claude DEBUSSY qu'il s'adonnait à l'alchimie musicale et toi tu te situes ici dans des tons pastels en demi teinte en quelque sorte dans une évolution chromatique. J'aime encore assez cette impression diffuse que la lecture laisse...Mille compliments. LOUP.

"Aspirer enfin le vaste soleil qui palpite en dansant sa chanson calcinée" et sans s'encombrer de souvenirs.
Une force dans cette chanson trés dépouillée.
Un beau travail. Ce n'est en effet pas évident d'aller à l'essentiel, on a toujours tendance à trop vouloir en dire. tu es sur la bonne voie.
Pour la photo, j'aime cet instant trés bref ou aprés le coucher du soleil il reste assez de lumière et la mer est (c'est rare) vraiment bleu marine. On a trop tendance à s'extasier sur les couleurs du couchant et ne pas voir cet aprés...

Je suis très partagée, pour cette poésie qui me déroute un peu pour deux raisons ;

D'une part je trouve des expressions absolument délicieuses, trésors poétiques à en vouloir encore et encore, insatiable de ces mots là, que j'imagine dits par toi.

Et d'un autre côté, un peu trop d'adjectifs par endroits, qui enluminent "trop" là où j'aurais peut-être aimé mieux plus dépouillé, "tout en comprenant l'image qu'ils veulent donner, ou l'atmosphère, mais tout de même" (donc moi-même partagée)

C'est curieux, ce mélange, parce que le tout donne comme un double-ciel quand il ne sait pas où il va et ce qu'il va offrir.