LE CERCLE Forum littéraire |
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| Jusque là... | |
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epiphyte Gardien de la foi
Nombre de messages : 200 Age : 48 Date d'inscription : 10/07/2007
| Sujet: Jusque là... Mar 15 Avr - 18:51 | |
| Jusque là tout allait bien… Et puis vient cet instant fatal où la batterie tombe à plat, alors qu’un coup de fil important s’annonçait, alors que l’enjeu d’une existence précaire ne tient plus qu’à cette modernité morbide qui vont ronge les tripes.
Jusque là tout allait bien.
La batterie qui tombe à plat n’est qu’un leurre. Vous faire croire un instant qu’un coup de fil important peut venir perturber mon existence précaire. En réalité tout allait bien surtout jusqu’à cet instant fatidique où tout n’est qu’affaire de choix.
Continuer à être la bonne poire qui reçoit ceux qui viennent manger sur son dos, ou ne plus jamais manger. Continuer à serrer la main de ces dépravés qui reviennent des chiottes sans passer par les lavabos ou ne plus jamais faire la bise. Continuer à écrire de petits textes insipides égarés sur une toile de modernité ou ne plus jamais écrire le roman de sa vie. Continuer à se poser des questions ou ne jamais trouver de réponse. Continuer à baiser la première femme qui passe ou ne plus jamais faire l’amour. Continuer à bouffer des raviolis en boite ou ne plus jamais entrer dans un restaurant. Continuer à répondre à ces gens qui m’appellent ou ne plus jamais entendre sa voix à l’autre bout du fil.
Panne de batterie je vous ai dit, n’insistez pas.
Je n’ai jamais su faire les choix, j’ai décidé qu’on pouvait vivre sans opinion, dans le rang de ceux qui ne se prononcent pas, ceux qui n’aiment pas, ceux qui ne détestent pas, ceux qui ne sont pas encore assez doués pour émettre un avis, ceux qui préfèrent attendre pour voir, ceux qui choisissent une glace deux boules plutôt qu’un tour en train, ceux qui sucent leur pouce jusqu’aux dortoirs des maternelles, ceux qui le sucent jusqu’au dortoir des casernes, ceux qui n’ont plus de pouce à sucer, qui pleurent sur des moignons cyniques, ceux qui espèrent ne plus souffrir, ceux qui ne souffrent pas, ceux qui pensent ne jamais souffrir… Je souffre pourtant.
Jusque là tout allait bien.
Je rentrais d’une journée faussement éreintante et je noyais mon chagrin dans l’alcool, noyer des souvenirs pour oublier demain d’en avoir d’autres, noyer des phrases, des gestes, des regards, des gens. Noyer le téléphone et noyer la batterie, noyer le poisson dans le ventre d’un aquarium désert, noyer des mots dans des regrets intimes.
On s’habitue à tout, surtout quand on n’en a pas l’habitude, je n’ai pas l’habitude de m’épancher ainsi, pas l’habitude de vomir à jeun, pas l’habitude de pleurer pour remplir le verre, pas vraiment l’habitude de choisir. Vin ou alcool fort ? Blanc ou ambré ? Sec ou glaçon ? Un verre ou deux ? Combien de bouteilles ?
Jusque là tout allait bien, mais il a fallu choisir. Entre deux spermatozoïdes qui se sont présentés au même moment au même endroit, qu’ai-je bien pu faire de spécial pour mériter le gain d’une course effrénée qui ne serait jamais qu’une course en avant ? En avant la machine, et sans cesse recommencer. Fuir les couilles de mon père. Fuir le ventre de ma mère. Fuir la cour d’école et ses chimères. Fuir les études, fuir la misère… Et fuir enfin ce monde péremptoire qui me demande de vivre encore, sans question, sans choix, loin de tout, loin de toi, en comptant sur des réserves qui s’épuisent, en comptant les jours qui passent, en comptant les mots qui s’alignent, et rien ne se perd, rien ne se récupère, rien ne sert vraiment que ce temps qui passe, encore, encore et toujours, ce temps qui passe, toujours, toujours et encore, ce temps qui file et me ramène à toi, souvenirs éphémères, choisir entre le temps qui passe et le temps en suspend, ne rien choisir, rester en arrière, rester loin de toi, rester loin de moi, fuir pourtant… et puis mourir.
Faudra-t-il choisir entre l’accident et le cancer ?
Jusque là tout allait bien.
Et puis j’ai oublié d’être. Suçant mon pouce à tous les dortoirs, caressant chaque femme qui passait, buvant chaque verre servi, serrant chaque main, hurlant chaque instant la peine de mon cœur noyé, je déserte l’aquarium et m’échoue sur la plage, fin de l’histoire, je ne veux plus choisir, jusque là tout allait bien et je voudrais encore y croire, juste un instant, une pause dans l’infini qui me ronge les tripes, une pause au sablier, vivre sur ses réserves et tout à coup plus rien, panne de batterie je vous ai dit, enfin à bout de souffle, te souffler sur la nuque et me broyer les reins, te caressant l’échine, épuisant, épuisant, épuisant va et vient, ultime inceste perdu, je me perds, enfin, panne de batterie je vous ai dit… jusque là tout allait bien.Ne me rechargez pas. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Jusque là... Mer 16 Avr - 0:09 | |
| Ca fait une drôle d'impression, quand tu en arrives à "noyer la batterie"... Encore une errance, une désherence, une vide que tu remplis de vide, et de mots, pleins de sens et de non-sens. "pas l’habitude de vomir à jeun", non, moi non plus, mais comme tu le dis, on s'habitue à tout. "Ne me rechargez pas". Y'a des fois tu me fous les boules, quand même...
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| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Jusque là... Mer 16 Avr - 0:33 | |
| "Je n’ai jamais su faire les choix, j’ai décidé qu’on pouvait vivre sans opinion... " Et si c'était un choix? Sinon, très bien écrit, avec quelques passages "presque" lumineux mais toujours appuyés contre le mur de la désespérance... Serait-ce un choix? http://margo06.bloxode.com | |
| | | filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
| Sujet: Re: Jusque là... Mer 16 Avr - 18:56 | |
| J'ai du mal à commenter ce texte. Car comme les précédents, il exsude la déprime, le désespoir, la mésestime de soi, l'auto-fustigation... Et comme précédemment j'ai envie de te secouer ! De te dire que tu es maître de ton destin, et que choisir la liberté, les nouvelles expériences, n'est pas facile dans cette société, mais possible. Que faire le deuil d'un amour perdu passe par une remise en question certes, mais pas systématiquement à décharge.
Tu as besoin de bouleverser ta vie. De partir à l'aventure, de faire des trucs fous, du genre qu'il faut oser. Ton écriture deviendrait différente, car appréhendée sous d'autres angles. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Jusque là... Ven 18 Avr - 15:57 | |
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| Sujet: Re: Jusque là... | |
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| | | | Jusque là... | |
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