Double-fond
Il y avait un mur. Un mur balafré. Un mur aux cicatrices mal refermées. Un mur de guerre, en quelque sorte.
Ils étaient là, fichés en lui au p'tit malheur malchance, dans le désordre chronologique de leur crucifixion. Ils étaient là, les mots du mur de sa guerre à Elle. sombres. Rouge sombre. Rouge-noir. Et le mur se tenait fier debout, il ne ployait pas, têtu comme une bourrique, avec ses pierres tatouées en exhibition obscène. Le mur dégueulait la guerre d'Elle, pendant qu'elle regardait ailleurs, au-delà, à travers, par dessus, l'œil presque impassible.
Elle trimballait son mur partout, un peu comme on traîne avec soi son trousseau de clés. Sauf que son mur n'ouvrait aucune porte. Son utilité se résumait à se laisser couvrir des mots qu'Elle taisait.
L'image aurait pu être saisissante, si elle ne s'était pas laissée enfouir sous l'autre image. L'image leurre. L'image masque. Lisse surtout.
Elle, dans l'indifférence affichée, savait le poids du mur hérissé de ses mots interdits.
Elle allait, légère vagabonde aux yeux du monde, lourde du secret de la déclaration d'une guerre qu'un jour elle se livrerait.
Romane