Aimer
...c'est ouvrir les yeux aux lumières d'essentiel et les fermer sur les rêves d'un instant.
...c'est vivre dans l'éternité au creux de ses silences, mais compter chaque seconde au rythme d'un autre coeur.
...c'est accoucher d'une évidence comme on le ferait d'un enfant : l'attente, la douleur, les questions, s'évanouissent devant le miracle d'un seul sourire.
...c'est atteindre la grâce, toucher au péril de son âme l'absolu. Mais voir aussi en l'autre le sombre, le sale, les scories du passé, les pollutions du coeur. Et continuer à l'aimer.
...c'est bouleverser l'ordre mathématique. Parce qu'un plus un ne font pas deux, ni un, mais plus. Et que soustraite de lui n'égale pas moins, mais plus rien.
...c'est diviser en deux son lit, son temps, sa vie. Mais poser sa tête dans l'arrondi d'une épaule juste modelée pour vous, rêver l'effleurement d'un baiser juste avant le sommeil, et savoir qu'on n'aura plus jamais froid.
...c'est multiplier par deux les soucis et les coups du sort. Mais ne plus craindre l'obstacle, juste parce qu'une main a pris la vôtre avec fermeté, et décide de ne plus la lâcher.
...c'est découvrir l'immensité du temps qui s'offre à nous dans l'infinitude d'un regard. Mais réaliser la fragilité du bonheur. Et que cette conscience d'une fin annoncée ne rende ni triste, ni hésitant, mais nous fasse considérer chaque instant comme un joyau enfoui dans la gangue du présent, attendant d'être extrait par l'espoir de nos joies mêlées.
...c'est s'émerveiller de cette conjonction improbable qui nous a réunis, minuscules poussières d'âme au milieu de tant d'autres. Mais s'incliner devant l'idée de n'être que des fétus de paille portés par le hasard, lâcher prise, gommer son ego gavé de certitudes. Et finalement, sourire à ce hasard, lui dédier un clin d'oeil et un pied-de-nez, sans en attendre rien.
...c'est traverser le quotidien comme un voyage. Et savoir que cette traversée nous conduira vers des chemins trop tracés ou vers des égarements, vers des découvertes et des habitudes, vers la houle du large et le clapotis des routines. Enfin réaliser que voyager avec des yeux d'enfant et l'insolence de la sincérité permet de traverser les écueils d'une vie à deux.
...c'est se séparer de ses certitudes pour épouser ses doutes. Et souffrir...
...c'est se laver dans le bassin où gravite la poussière d'étoile. Et attendre...
...c'est rouler sa tête aux champs de volupté coquelicot. Et donner...
...c'est jaillir comme une flèche dans l'aire du bonheur. Et douter encore...
Aimer
c'est
l'impermanence du rien
et l'absolu du tout
c'est
Aimer.