Masques

Enfant porter le masque
De la soumission
Baisser la tête
Croiser les bras
Derrière le dos
Blouse grise
Dans le gris
De l'ennui
Derrière le masque lisse
De l'élève studieuse
Rêver devant mes livres
Et mes cahiers ouverts

Jeune fille mon visage
Peint comme un masque Nô
Impassible refus
De mes tourments de femme
La barrière de mon masque
Tenant les hommes au loin
Pour un chagrin si lourd
Que les cendres de mon âme
Enténèbraient le jour

Masque de compétence
Et masque de sang-froid
Masque d'indifférence
Alors que la peur
Alors que le doute
Mériter son salaire
Sourire aux imbéciles
Se dire responsable
Et feindre de le paraitre
Mais la peur
Mais le doute
Et tant de compassions
Devant tant de détresses

Femme endosser le rôle
De la femme parfaite
Messaline appliquée
Ménagère du soir
Mère par procuration
Accepter de n'être pas
Aimée comme il faudrait
Pour le masque convenu
D'un couple clé-en-main
Mais dans la nuit complice
Les sanglots silencieux
D'une petite fille perdue
Qui pleure en solitaire
La mort de son père

Errer, errer
Ne plus être que les masques
Ne plus être que l'oubli

Puis un jour
Au clair d'un regard
Sur nuit artificielle
Toi à l'originel
Nu en absolution
Tous les masques tombés
Vrais-semblant déclarés
A propos de tes peurs
A propos de tes doutes
Et tes monceaux de moi
En un unique pur

Et pour toi
Seulement pour toi
Déshabiller mon âme
Au profond de mes rêves
Montrer le vrai visage
Plus que sans artifice
D'amour écorchée vive
Chair coeur et esprit
Fardés de nos espoirs
Sans masque sur l'ovale
De nos pleurs dévoilés.

C'est très beau, parce que c'est très sincère, écrit sans masque, et que cela se ressent. Il faudrait toujours écrire ainsi... (je dis ça pour nous tous et pas pour dire que d'habitude tu manques de sincérité, hein ! je viens de réaliser que ma phrase prêtait à confusion)

(Il y a des bricoles qui me tiltent, mais je n'ai pas envie de chipoter sur ces mots-là.)

Je peux pas commenter... Merci Constance, la nudité te va bien.

une telle sincérité, en effet, et si bien exprimée, ne peut que susciter une égale émotion.
Mais tous ces masques successifs ou simultanés, ne sont-ils pas comparables à la coquille , au cocon, à la chrysalide? ... et ne forment-ils pas au total notre "je", présent et passé?

merci, Constance
Mick

Cette mise à nue me touche beaucoup aussi. Le masque est un mot que j'aime particulièrement, masque de clown, masque de bonheur, masque de résignation, il vient comme un bouclier, une raison de résister à ce qui nous heurte en bien et en mal et toujours dans l'intense.

Et puis un jour

"Puis un jour
Au clair d'un regard
Sur nuit artificielle
Toi à l'originel
Nu en absolution
Tous les masques tombés
Vrais-semblant déclarés
A propos de tes peurs
A propos de tes doutes
Et tes monceaux de moi
En un unique pur

Et pour toi
Seulement pour toi
Déshabiller mon âme
Au profond de mes rêves
Montrer le vrai visage
Plus que sans artifice
D'amour écorchée vive
Chair coeur et esprit
Fardés de nos espoirs
Sans masque sur l'ovale
De nos pleurs dévoilés."

Plus rien à ajouter à part que cela bouleverse...

Un joli poème sur une vie, que nombre d'entre nous aurait pu écrire sans doute, car c'est pour se protéger que nous mettons des masques. Il est vrai que les gens sensibles et doux, et qui le montrent, sont souvent la proie de personnages manipulateurs. Notre âme est ce que nous avons de plus cher et de plus fragile, alors il faut souvent bien plus qu'une vie pour comprendre que se dévoiler, se dénuder, n'est pas forcément signe de faiblesse.

Merci à tous et toutes pour vos commentaires.
Ce fut un poème écrit en effet dans un moment de ma vie où l'amour m'avait poussée à étaler devant moi tous les masques de passé, afin de mieux m'en défaire.
Un instant de sincérité absolue, teinté peut être de douleur, mais aussi de soulagement. Une libération absolue, puisqu'elle acceptait d'intégrer à la fois les aléas du passé, et l'immense espoir d'une âme comblée.
Ce texte rappelait également que nous portons tous des masques, volontairement ou pas, consciemment ou non, et que seuls quelques uns, rares et précieux, s'en seront libéré ; ou qu'il nous est permis d'approcher cette sensation de liberté vertigineuse à certains moments de notre vie.
Peut être ce texte témoignait-il d'un de ces instants rares, et je suis heureuse que vous en ayez perçu l'émotion, et la sincérité. C'est ce partage avec vous qui m'incite à rester ici.

Reste avec nous ma semblable.
Ton texte me touche oh combien!
Il est des "Etres beaux" qui nous aident à tomber nos masques et nous libèrent de nous mêmes!
Rien a ajouter si ce n'est que j'aurais aimé l'écrire!

Tu renvoies à chacun ceux qu'il a portés...et les moments de plénitude restent si rares. Tu justifies notre travail d'écriture à tous. La poésie serait bien cela: mettre bas les masques.
Je me suis particulièrement senti proche sur l'évocation professionnelle.