Dans l'Inde ancienne, le sacrifiant, au commencement du rite qui doit conduire vers les dieux, dit:
"Maintenant, je quitte la fausseté pour aller à la vérité."
Il fait son travail intense et compliqué de mélodies et de rythmes, il devient un corps-parole, un corps-mélodie, un corps-rythme, de façon à aller, par delà la mort, dans un monde qu'il se sera fait. Il n'est pas exclu que, pendant son voyage, il tombe sur une déesse « vêtue d'espace » portant au cou des colliers de crânes et, autour du buste, des noeuds de serpents. Il n'est pas exclu non plus qu'il apprenne à faire parler et danser les cailloux, les pierres, les rochers. Le voici donc, avec sa poignée d'herbe, allant du profane au sacré.
Pour le retour, il ne va évidemment pas dire qu'il quitte la vérité pour aller vers la fausseté. Sa formule est délicate et modeste. :
« Maintenant, je suis seulement ce que je suis. »
Où suis-je? Qui suis-je? Un simple passager de l'éternel retour du Salut. Mais oui, du Salut.
Philippe Sollers. Une vie divine.