« Approche, mon bien aimé.
Vois : la porte est ouverte.
La table est mise.
Les couverts d’or et de rubis.
Ma plainte infinie
A su trouver refuge
Dans les replis crasseux de ton âme, viens!
Dansons, veux-tu ?
Dansons.
Ton parfum âcre
S’insinue, douce lame,
Dans les pores crépitants
De ma peau
De bête
Affamée.
J’approche mes lèvres peintes,
De ta gorge gorgée de lait tiède…
Laisse-moi, lentement,
M’emparer de ta sève,
Afin que s’accomplisse
En jaillissement blême
La lignée ancestrale
Et tourne la roue du Temps ! »
A cet instant on entendit,
Du plus profond des sphères,
Le rire étincelant de muses attendries.
Une flèche fut tirée dans la nuit noire.
….
La bête,
Touchée au cœur,
S’immobilise.
Une larme de sel
Roule de son œil humide
Sur la joue erratique.
Attendri, le jeune Prince
Prend ta main : bête immonde
Et de ses bras t’enlace,
Berce ton corps famélique.
Puis, lumineux bleuté du premier jour.
Sur la pierre grise,
On retrouva,
Au grand dam des dieux friands de sacrifice,
Petite fleur perlée en rosée du matin.